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III

L’accident

La nouvelle de l’accident des navigateurs aériens se répandit de proche en proche, tout le long de la demi-lune formée par la baie des trois plages nantaises.

Paul Liguen, le marchand de langoustes la fit connaître jusqu'au Croisic : « La Mouette », le Journal de la Baule, commenta le fait.

Il raconta que deux jeunes époux, qui avaient voulu passer leur lune de miel auprès de l’autre, s’étaient perdus dans les nuages et avaient fini par dégringoler du ciel sur la terre, si rudement que le tourtereau avait trouvé la mort en tombant la tête la première, sur les rochers de l’île des Evins et que la tourterelle était heureusement quitte pour des contusions sans gravité.

Moins fantaisiste et non moins sombre était la réalité.

Elle fut connue des le soir mène.

Le voyageur s’appelait Sacha Karadec et sa compagne était sa jeune femme Yvonne Duchatel, une Parisienne.

Tous deux étaient orphelins mais, tous deux plus riches d’espoirs que d’argent avaient uni et associé leur vie avec la ferme intention de s’aimer et de travailler.

Et de fait, non seulement Yvonne était pour Sacha la camarade fidèle et dévouée mais aussi la collaboratrice de tous ses travaux.

Ingénieur astronome, élève de l’Observatoire de Paris, il avait été tout dernièrement chargé d’étudier au parc aéronautique de Meudon la vitesse des vents et l’intensité des courants aériens, à une hauteur de trois cents mètres. Il avait, pour ses expériences scientiflques, la libre disposition d’un ballon captif dans le parc même de la station. La nacelle renfermait tous les appareils enregistreurs, instruments et baromètres appropriés.

Depuis trois mois, il se livrait à ces recherches intéressantes et s’apprêtait à faire connaître ses conclusions dans un rapport sur lequel il comptait pour attirer l’attention sur lui, lorsqu’un soir, quelques-jours avant le terme qu’il avait fixé pour la clôture de ses travaux, un cyclône se déchaîna sur la banlieue ouest parisienne.

Yvonne et Sacha se trouvaient justement au parc. Le jeune savant voulut proflter de la tempête pour procéder à des observations. Yvonne ne voulut pas le laisser monter seul. Pendant deux heures, ils se livrèrent dans les airs à leurs études scientifiques.

Au moment où ils étaient sur le point de téléphoner aux gardiens de tourner le treuil pour la descente, l’amarre cassa brusquement sous l’effort de la tempête et d’un bond immense, le ballon partit dans les airs.

Bien que tous deux se soient adonnés à l’art aérostatique, les jeunes gens néanmoins ne purent se rendre maîtres de l’aérostat. Une brume intense leur cacha la terre et ils voguèrent sans savoir où ils se dirigeaient.

Soudain, ils perçurent le bruit de la mer. Grand fut leur effroi dè constater bientôt qu’ils planaient au large. Puis, un autre sujet de crainte vint les assaillir. Ils entendirent le gaz fuser à travers une déchirure. L’aérostat virevolta et se coucha presqu’horizontalement. En vain jetèrent-ils tout ce qui était à leur portée pour servir de lest, le ballon se mit à descendre, emporté vers la côte.

Auraient-ils le temps d’arriver ?... Ils baissaient toujours. Pour s’alléger, ils jetèrent tout ce qu’ils possédaient. Au moment où ils allaient toucher terre, la nacelle se retourna presque, ils durent se cramponner aux cordages. Dans ce mouvement, Sacha lâcha prise et vint s’abîmer contre les rochers où il se fractura le crâne, la mort fut instantanée...

Dans une villa de Pornichet, appartenant à la veuve d’un vieux marin, le père Lahoul, le capitaine au long cours Keradec qui y