point d’éloges de ce prince, ils seraient suspects dans ma bouche : je vous en raconterai seulement deux traits qui vous feront juger de sa manière de penser et de sentir. Quand je lui ai parlé de la gloire qu’il s’est acquise, il m’a dit avec la plus grande simplicité, qu’il y avait furieusement à rabattre de cette gloire ; que le hasard y était presque pour tout, et qu’il aimerait bien mieux avoir fait Athalie que toute cette guerre ; Athalie est en effet l’ouvrage qu’il aime et qu’il relit le plus ; je crois que vous ne désapprouverez pas son goût en cela, comme sur tout le reste de notre littérature, dont je voudrais que vous l’entendissiez juger. L’autre trait que j’ai à vous dire de ce prince, c’est que le jour de la conclusion de cette paix si glorieuse qu’il vient de faire, quelqu’un lui disant que c’était là le plus beau jour de sa vie : Le plus beau jour de la vie, répondit-il, est celui où on la quitte. Cela revient à peu près, madame, à ce que vous dites si souvent, que le plus grand malheur est d’être né.
Je ne parlerai point, madame, des bontés infinies dont ce prince m’honore ; vous ne pourriez le croire, et ma vanité vous épargne cet ennui. Je ne parlerai point non plus de l’accueil que madame la duchesse de Brunswick, sœur du roi, et toute la maison de Brunswick a bien voulu me faire. Je me contente de vous assurer que dans l’espèce de tourbillon où je suis, je n’oublie point vos bontés, et l’amitié dont vous voulez bien m’honorer ; je me flatte de la mériter un peu par mon respectueux attachement pour vous. Comme je sais que rien ne vous ennuie davantage que d’écrire des lettres, je n’ose vous demander de vos nouvelles directement ; mais j’espère que mademoiselle de L’Espinasse voudra bien m’en donner. J’oubliais de vous dire que le roi m’a parlé de vous, de votre esprit, de vos bons mots, et m’a demandé de vos nouvelles. Je n’ai point encore vu Berlin, mais Potsdam est une très-belle ville ; et le château où je suis est de la plus grande magnificence et du meilleur goût. Adieu, madame : conservez votre santé ; la mienne est toujours très bonne. Oserais-je vous prier de me rappeler au souvenir de M. le maréchal et de madame la maréchale de Luxembourg.
Monsieur, M. le chevalier de Magallon nous a fait part, à mademoiselle de L’Espinasse et à moi, d’une lettre dans laquelle vous voulez bien nous témoigner votre reconnaissance du