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unes de vos lettres, raffole de vous, de votre esprit et de votre manière de penser ? Cela est au point que je ne désespère pas de l’engager à vous voir ; et je puis vous assurer que cela serait bientôt fait sans les obstacles presque insurmontables que son genre de vie y mettra toujours.

Je vous suis très obligé des remarques que vous m’avez envoyées, et je vous supplie d’en faire mes remerciements à l’auteur. Toutes ces remarques sont certainement d’un homme d’esprit ; quelques unes m’ont paru très justes : il me semble qu’on pourrait en chicaner quelques autres ; mais sur cet article un auteur doit toujours être suspect. J’attends avec impatience le jugement de Formont. Ce n’est pas la peine de lui écrire pour cela, et d’ailleurs il vous écrira encore plus librement qu’à moi. Je suis bien surpris que le président lui ait mandé tant de bien de mon livre ; il n’a pas tenu le même langage à tout le monde : mais au fond, qu’importe ? me voilà claquemuré pour longtemps, et vraisemblablement pour toujours, dans ma triste, mais très chère et très paisible géométrie. Je suis fort content de trouver un prétexte pour ne plus rien faire, dans le déchaînement que mon livre a excité contre moi. Je n’ai pourtant ni attaqué personne, ni même désigné qui que ce soit, plus que n’a fait l’auteur du Méchant et vingt autres, contre lesquels personne ne s’est déchaîné. Mais il n’y a qu’heur et malheur : je n’ai besoin ni de l’amitié de tous ces gens-là, puisque assurément je ne veux rien leur demander ; ni de leur estime, puisque j’ai bien résolu de ne jamais vivre avec eux : aussi je les mets à pis faire.

J’ai tiré de mon livre 500 francs de profit net et quitte : cela pourra aller à 2000 francs en tout, quand l’ouvrage sera vendu ; mais il n’est encore qu’à moitié. Adieu, madame ; portez-vous bien, et hâtez votre retour. Que ne savez-vous de la géométrie ! qu’avec elle on se passe de bien des choses !


À LA MÊME.


14 avril 1753.


Quoique je vous croie à Lyon, madame, je vous adresse cette lettre à Mâcon, parce que j’espère qu’elle vous sera envoyée, et qu’ainsi vous ne l’aurez guère plus tard. L’abbé de Canaye trouve que vous ne ressemblez point du tout au greffier de Vaugirard, il est enchanté de vos lettres et de votre manière d’envisager et de rendre tout : et en vérité il faudrait qu’il fût bien difficile ! Vous me demandez une recette contre l’ennui ; je vous