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lettres de Prusse quelque autre papier qui n’en fût pas, je vous prie de me le renvoyer.


À LA MÊME.


27 janvier 1753.


Je suis, madame, d’autant plus sensible à votre suffrage, qu’en vérité je désirais ardemment de l’obtenir : votre approbation me flatte infiniment, parce que je vous connais un goût très sûr et très juste : je n’ai pas attendu, pour vous le dire, que je fisse des livres et que vous les trouvassiez bons. Vous me rendez justice en ne trouvant dans mon ouvrage ni malice ni satire ; tout le monde n’en pense pas de même ; on m’assure que les Bissy, Brancas, etc., etc., etc., etc., etc., crient bien haut contre moi ; ils me feraient beaucoup d’honneur de ne pas plus penser à moi que je n’ai pensé à eux : mais que m’importe, puisque vis-à-vis de moi-même je n’ai rien à me reprocher ?

Je ne sais si j’aurais bien fait de mettre l’Essai sur les gens de lettres en portraits et en maximes, comme vous le voulez. Outre que nous avons déjà bien des livres en ce genre, on aurait encore bien plus pensé à faire des applications : cette forme n’aurait d’ailleurs convenu ni au ton que je voulais prendre dans cet ouvrage, ni à la liaison que je voulais mettre dans les idées ; et il me semble, si j’en crois du moins tous ceux qui m’en parlent, que ce ton et cette liaison rendent le morceau plus intéressant encore à une seconde lecture.

Les pédants disent le plus de mal qu’ils peuvent de ma traduction de Tacite, mais je puis vous répondre que leurs critiques ne m’effraient pas, et je voudrais bien les voir à pareille besogne. Je ne crois pas que l’original perde beaucoup à ma traduction, mais j’avoue de bonne foi que je le crois du moins aussi beau. Je pense exactement de Tacite ce que j’en ai dit dans mon avertissement, que je vous prie de lire, si vous ne l’avez pas fait. Quel homme que ce Tacite ! demandez plutôt à Formont. À propos de lui, je serais bien aise de savoir son avis sur mes deux volumes. Si vous relisez le premier, vous trouverez dans l’éloge de Bernoulli, des additions que je crois assez intéressantes.

Je viens d’avoir mes entrées à la Comédie Française. C’est une galanterie que mademoiselle Clairon m’a faite sur la lecture de mon livre ; car je ne la connaissais que pour lui avoir parlé une fois dans sa loge. Latour a voulu absolument faire mon portrait, et je serai au salon de cette année, avec La Chaussée, qu’il a