c’est là en effet son vrai talent ; Buffon, que sur la noblesse et l’élévation avec laquelle il a écrit les vérités philosophiques, et cela est vrai ; Maupertuis, que sur l’avantage qu’il a d’avoir été le premier sectateur de Newton en France, et cela est vrai ; Voltaire, que sur son talent éminent pour écrire, et cela est vrai ; le président de Montesquieu, que sur le cas qu’on fait dans toute l’Europe, et avec justice, de l’Esprit des Lois, et cela est vrai ; Rameau, que sur ses symphonies et ses livres, et cela est vrai : en un mot, madame, je puis vous assurer qu’en écrivant cet ouvrage, j’avais à chaque ligne la postérité devant les yeux, et j’ai tâché de ne porter que des jugements qui fussent ratifiés par elle. Celui qui fera l’article Chronologie dans l’Encyclopédie est bien le maître de dire ce qu’il voudra du président, mais cela ne me regarde pas ; et je n’entreprendrai pas même d’en parler, parce que je n’en pourrais dire autre chose, sinon que son livre est utile, commode, et s’est bien vendu[1] ; je doute que cet éloge le contentât. J’ai d’ailleurs été choqué à l’excès du ressentiment qu’il a eu contre moi à cette occasion ; je lui ai envoyé mon livre sur les Fluides, il n’a pas seulement daigné m’en remercier. C’est à vous, beaucoup plus qu’à lui, que je dois mes entrées à l’Opéra, auxquelles d’ailleurs je ne tiens guère, parce qu’on me les a accordées de mauvaise grâce, et qu’on me les a bien fait payer depuis, par la manière dont on s’est conduit dans l’affaire de l’Encyclopédie, et par les discours qu’on a tenus à mon sujet, mais qui ne m’inquiètent guère.
Je n’ai point travaillé à l’apologie de l’abbé de Prades, mais cela n’empêche point l’ouvrage d’être bon : je doute pourtant qu’il vous amuse. La fin de la réponse à l’évêque d’Auxerre, et plusieurs endroits de cette réponse, sont autant de chefs-d’œuvre d’éloquence et de raisonnement. Les propositions sont très bien justifiées dans la seconde partie, et la première est une histoire vraie et bien écrite de son affaire, et de toutes les noirceurs qu’on lui a faites. Je doute, au reste, que cela vous amuse. Vous pouvez lire la préface de la première partie, la fin de la troisième, et les deux péroraisons de la première et de la seconde partie. Il y a un passage de Cicéron qui est très beau, et que vous vous ferez expliquer, si vous trouvez à Mâcon quelqu’un qui sache le latin.
Je pense comme vous sur les premières lettres de Bolingbroke, le second volume vaut mieux, encore cela est-il trop long : Voltaire vient d’en faire une apologie fort plaisante sur l’article de
- ↑ Abrégé chronologique de l’Histoire de France, par le président Hénault.