Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ballets, Rhétorique, Molinisme, etc. J’ai eu tort de ne pas vous envoyer l’épître dédicatoire ; la voici :

Monseigneur, l’autorité suffit à un ministre pour lui attirer l’hommage aveugle et suspect des courtisans ; mais elle ne peut rien sur le suffrage du public, des étrangers et de la postérité : c’est à la nation éclairée des gens de lettres, et surtout à la nation libre et désintéressée des philosophes, que vous devez, monseigneur, l’estime générale, si flatteuse pour qui sait penser, parce qu’on ne l’obtient que de ceux qui pensent. C’est à eux qu’il appartient de célébrer, sans s’avilir par des motifs méprisables, la considération distinguée que vous marquez pour les talents, considération qui leur rend précieux un homme d’État, quand il sait, comme vous, leur faire sentir que ce n’est point par vanité, mais pour eux-mêmes, qu’il les honore. Puisse, monseigneur, cet ouvrage auquel plusieurs savants et artistes célèbres ont bien voulu concourir avec nous, et que nous vous présentons en leur nom, être un monument durable de la reconnaissance que les lettres vous doivent, et qu’elles cherchent à vous témoigner. Les siècles futurs, si notre Encyclopédie a le bonheur d’y parvenir, parleront avec éloge de la protection que vous lui avez accordée dès sa naissance, moins sans doute pour ce qu’elle est aujourd’hui, qu’en faveur de ce qu’elle peut devenir un jour. Nous sommes, avec un profond respect, etc.


À LA MÊME.


Je reçus hier, madame, en arrivant de la campagne, une lettre de l’abbé de Cannaye, qui m’instruit de la tracasserie que M. de Saint-Mard m’a faite avec vous, et de la lettre qu’il vous a écrite pour me justifier. Comme il ne vous a mandé sûrement que la vérité, je me flatte que vous êtes pleinement détrompée : je n’ai donc rien à ajouter, madame, à ce qu’il a pu vous mander, sinon que je suis toujours et plus que jamais dans les dispositions où vous m’avez vu, de ne rien demander ; que je ne pense point du tout et n’ai jamais pensé à la place de secrétaire de l’Académie ; que je serais très fâché, quand je le pourrais, d’en dépouiller celui qui la remplit bien ou mal ; que je ne veux point non plus aller sur les brisées de Montigny, qui, je crois, pense à cette place, en cas que Dieu, ou M. d’Argenson sous sa figure, dispose du titulaire ; que si j’avais pensé à cette place, j’aurais cru vous manquer que de vous en faire parler par un autre que par moi, et moins par M. de Saint-Mard que par un autre ; que si j’ai fait la préface de l’Encyclopédie, ç’a été pour contribuer de mon mieux au bien de l’ouvrage ; qu’à l’égard