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Savez-vous bien que je craindrais pour vous si vous étiez à Collioure au lieu d’être à Ferney, que la sainte hermandad ne vous fît enlever contre le droit des gens, pour vous brûler suivant toutes les règles du droit canon ? Hélas ! je ris et je n’en ai guère envie. Il vaut mieux finir par où j’aurais dû commencer, par me taire et par vous embrasser avec douleur et tendresse.


À Paris, ce 6 de mars 1777.


Jai reçu, mon cher et illustre maître, la lettre ostensible que je vous demandais ; j’en ai fait part à M. de La Harpe qui doit vous écrire à ce sujet, et qui est très reconnaissant du juste témoignage que vous lui rendez.

Il pense pourtant, ainsi que moi, que vous pourriez dire quelque chose de plus positif en sa faveur ; par exemple, qu’il était trop jeune quand ce pamphlet a paru, pour avoir connaissance des faits et des personnes dont on parle ; que ce pamphlet n’a ni son ton, ni son style, et que c’est tout au plus l’ouvrage de quelque regrattier de littérature que maître Aliboron aura maltraité dans ses feuilles. Au reste, il paraît que ses ennemis même ont reconnu sur ce point la vérité des faits, et qu’ils ont renoncé à la querelle qu’ils voulaient lui faire ; mais des ennemis acharnés (vous l’avez éprouvé plus que personne) ne disent pas toujours la vérité ; et il est bon d’avoir un bouclier tout prêt contre leurs mensonges.

Je suis bien persuadé comme vous que le Pascal-Condor (vous savez que le Condor est le plus grand et le plus fort des oiseaux) vaudra beaucoup mieux que le Pascal janséniste, et qu’il est destiné à jouer le rôle le plus distingué dans les sciences et dans les lettres. Ce qui m’enchante, c’est qu’on a cru lui faire grâce en le choisissant pour secrétaire de l’Académie des sciences, qui est plus heureuse qu’elle ne mérite, d’avoir un tel secrétaire. Celui-là ne parlera ni d’éclaboussures du soleil, ni de molécules organiques, ni des taupières apennines. Je ris, ainsi que vous, de ces sottises, et du style ampoulé ou empoulé dont on nous les étale ; mais je ne ris pas moins d’un gros volume de lettres qui viennent de vous être adressées, et où l’on nous donne le feu central et le refroidissement de la terre comme des idées comparables au système de la gravitation. Supplément de génie que toutes ces pauvretés ; vains et ridicules efforts de quelques charlatans qui, ne pouvant ajouter à la masse des connaissances une seule idée lumineuse et vraie, croient l’enrichir de leurs