Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Paris, 28 auguste 1775.


M. François (de Neufchâteau), que je ne connaissais pas, vint hier chez moi, mon cher et illustre ami. Il me parut indigné de cette infamie que l’ombre de La Beaumelle, menée par le squelette de Fréron, vient de publier contre la Henriade, et il me dit qu’il avait fait un mémoire où il rendait plainte contre cette atrocité que je ne connais que par ce qu’il m’en a dit ; car je fais justice de ces rapsodies, en n’en lisant jamais aucune. Il m’a dit vous avoir écrit pour vous prier de l’autoriser à poursuivre cette canaille morte et vivante, et m’a prié de vous en écrire aussi. J’ai fort applaudi à l’honnêteté et au zèle de ce jeune homme, et je lui ai répondu de votre reconnaissance, et de celle de tous les gens de lettres dignes de porter ce nom. Il serait temps, ce me semble, qu’on fît justice de pareils marauds. À quoi servirait-il d’avoir tant d’honnêtes gens dans le ministère, si les gredins triomphaient encore ? M. François attend, mon cher maître, une lettre de vous qui l’encourage, et dont il est bien digne. Je désire beaucoup et la publication et le succès du mémoire qu’il prépare, et j’espère que les Welches même, tout Welches qu’ils sont, y applaudiront pour le moins autant qu’à l’Opéra-Comique. Adieu, mon cher et illustre maître ; je vous embrasse, et vous souhaite autant de santé et d’années que vous avez de gloire.

Bertrand l’aîné.


Paris, 25 mars 1776.


Bertrand plaint très sincèrement Raton de se croire obligé de se taire au sujet de Rossinante-Childebrand ; pour Bertrand qui n’a jamais vu Chiidebrand-Adonis, qui ne l’a jamais cru Mars, mais tout au plus Mercure, il ne peut que se réjouir, avec tous les honnêtes Bertrands, de voir Childebrand dans l’opprobre qu’il mérite.

Chabanon passe sa vie à dire des injures de l’Académie, et à désirer d’en être. Il réussirait mieux avec moins d’injures et plus de bons ouvrages.

J’ai lu la lettre de Raton à Cormoran ; cette lettre est charmante, et Bertrand en fera l’usage que Raton désire. Il aurait pu l’augmenter d’un article intéressant ; c’est que messieurs se proposaient, il y a peu de temps, de faire revivre, par leurs arrêts, les principes si raisonnables de la Sorbonne, au sujet de