surément personne n’a plus affiché que lui, et dans ses discours et dans ses ouvrages, les maximes anti-religieuses et anti-despotiques qu’on reproche à tort ou à droit à la plupart de ceux que Clément attaque dans sa rapsodie. Voilà, mon cher confrère, ce qu’il est bon que vous sachiez, car enfin il est bon de ne pas ignorer à qui l’on a affaire.
Je n’ajouterai rien à ce détail, sinon que la littérature est dans un état pire que jamais ; que je deviens presque imbécile de découragement et de tristesse ; mais que cet imbécile vous aimera et vous admirera toujours.
Adieu, mon cher ami, je vous embrasse et vous recommande les polissons et leurs protecteurs.
Oui, oui, assurément, mon cher et illustre ami, je ferai lire à tout le monde, sans néanmoins en laisser prendre des copies, la charmante lettre que le roi de Prusse vous a écrite. Cette lettre fait honneur, d’abord au prince qui sait écrire ainsi, ensuite à vous qui n’en avez pas trop besoin, et enfin aux lettres et à la philosophie, qui ont besoin de cette consolation, dans l’état d’oppression où elles gémissent. Vous ne sauriez croire à quelle fureur l’inquisition est portée. Les commis à la douane des pensées, se disant censeurs royaux, retranchent des livres qu’on a la bonté de leur soumettre, les mots de superstition, de tyrannie, de tolérance, de persécution, et même de Saint-Barthelemy, car soyez sûr qu’on voudrait en faire une de nous tous.
Voilà les cuistres de l’Université qui viennent de sonner un nouveau tocsin. Dirigés par le recteur Cogé pecus qui est à leur tête, ils viennent de proposer pour le sujet d’éloquence latine qu’ils proposent tous les ans pour prix à tous les autres cuistres du royaume : Non magis Deo quàm regibus infensa est ista quæ vocatur hodiè philosophia. Admirez néanmoins avec quelle bêtise cette belle question est énoncée ; car ce beau latin traduit littéralement, veut dire que la philosophie n’est pas plus ennemie de Dieu que des rois ; ce qui signifie, en bon français, qu’elle n’est ennemie ni des uns ni des autres. Voyez avec quel jugement ces marauds savent rendre ce qu’ils veulent dire. Il me semble que ce serait bien le cas de répondre à leur belle question, non en latin, mais en bel et bon français, pour être lu par tout le monde. Il faudrait que l’auteur fît semblant d’entendre l’assertion de ces cuistres dans le sens très vrai et très naturel qu’elle présente, mais qu’ils n’avaient pas intention d’y donner.
Que de bonnes choses à dire pour prouver que la philosophie