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donc que vous en écrivissiez, sans dire de quelle part l’avis vous vient, à M. d’Argental, intime ami de Foncemagne, et que M. d’Argental parlât à Foncemagne de votre part. Vous auriez soin de mettre dans votre lettre quelque chose d’honnête pour Foncemagne, qui en serait flatté, qui vraisemblablement aurait égard à ce que vous lui feriez dire, et qui ignore aussi vraisemblablement que vous avez à vous plaindre du président Debrosses. Il serait bon aussi que vous en écrivissiez fortement à l’abbé de Voisenon, qui, sans cela, pourrait être favorable au président, étant gagné, à ce que je crois, par l’archevêque de Lyon, qui assure que nous ne pouvons faire un meilleur choix à la place du président Hénault.

Il paraît jusqu’à présent que la place de Moncrif sera pour Gaillard ; ce choix n’est pas délicieux, mais passable ; encore ne faut-il pas trop dire l’intérêt que vous y prenez, car ce motif pourrait lui faire perdre des voix qu’il aurait eues. Pour La Harpe, je vois clairement qu’il n’y faut pas penser en ce moment, et que nous ne réussirions pas, si ce n’est peut-être à lui casser le cou. Je ne vois que deux moyens pour nous sauver d’un mauvais choix, c’est de prendre l’abbé Delille, ou d’engager quelqu’un de la cour à se présenter. Je ne désespère pas que nous ne réussissions à l’un ou à l’autre. Adieu, mon cher et illustre maître ; écrivez à M. d’Argental et à l’abbé de Voisenon, et surtout ne dites pas que l’avis vous vienne de moi. Je vous embrasse de tout mon cœur, et serai jusqu’à la fin tuus ex animo.


Paris, 21 décembre 1770.


Jétais bien sûr, mon cher maître, que l’archevêque de Toulouse n’était pas à beaucoup près aussi coupable qu’on l’avait fait. Voici ce qu’il écrit à une personne de ses amis et des miens. Son mandement n’a que quatre petites pages : il ne parle que de l’ouvrage et pas du tout de l’auteur. L’abbé Audra aurait pu se l’épargner ; il avait d’abord donné de lui-même sa démission, et l’avait envoyée à l’archevêque qui l’avait acceptée ; alors tout était fini, il n’y aurait eu ni mandement, ni rien de semblable. Il a retiré cette démission ; l’archevêque lui a rendu sa parole comme il l’avait reçue, sans même s’être pressé d’en faire usage ; car s’il se fût pressé, l’abbé aurait pu avoir un successeur avant ses regrets. Cependant tout le monde était après l’archevêque ; le parlement voulait brûler le livre. Si l’auteur n’eût pas été professeur, l’archevêque se serait tu malgré les clameurs. L’abbé a voulu rester professeur, il a presque accusé un des grands vicaires d’avoir approuvé le livre ; alors l’archevêque a été forcé