Agricola, étaient semblables à ceux que j’éprouvais moi-même. À la perte cruelle que j’ai faite en vous, se joint la douleur de n’avoir pu adoucir vos maux par ma présence, les soulager par mes soins, jouir en pleurant des précieuses marques de votre tendresse, recueillir enfin vos dernières paroles pour en conserver un souvenir éternel. Cette privation amère me perce le cœur ; j’étais condamné à vous perdre une année entière avant votre mort. Tels étaient, mon cher ami, les sentiments qui remplissaient mon âme en voyant porter au tombeau cette femme si digne de vivre, et que la terre aurait dû conserver toujours.
Adieu ; je ne vous écrirai plus tout ce que je sens pour elle ; mais je vous le dirai souvent encore : ma tendre amitié pour l’un et l’autre se réserve cette affligeante, mais unique ressource.
J’ai l’honneur de vous envoyer la petite lettre que vous me demandez d’une manière si obligeante. Il est nécessaire que vous sachiez, pour l’intelligence de la dernière page, ce qui n’est ignoré d’aucun des amis de madame Geoffrin, que madame de La Ferté-Imbault, sa fille, sotte créature, et dévote politique, m’a fait fermer la porte de sa mère un an avant sa mort, pour faire sa cour aux fanatiques ; au grand regret de cette malheureuse femme, qui me désirait, et n’osait se plaindre d’en être privée[1].
Je souhaite, monsieur, que cet épanchement de mon cœur obtienne l’indulgence du vôtre, dont il a besoin. La lettre honnête que vous m’avez fait l’honneur de m’écrira m’est garant de cette indulgence.
J’ai l’honneur, etc.
Je suis plus sensible, monsieur, que je ne puis vous le dire, aux éloges dont vous voulez bien honorer mon ouvrage. Cependant, quelque flatté que je sois d’un suffrage aussi éclairé que le vôtre, je crains que l’amitié dont vous avez bien voulu
- ↑ Voyez cette lettre, page première de ce volume.