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ne représente guère mieux la prononciation, et qu’on devrait écrire francès comme procès. C’est un autre abus de notre écriture que cet emploi d’ai pour e.

Page 12. Les hiatus sont sans doute un défaut en général ; mais, 1°. il y a des hiatus à chaque moment au milieu des mots, et ces hiatus ne choquent point ; croit-on qu’ilia, intestins, soit plus choquant qu’il y a dans notre langue ? 2°. Ne devrait-on pas dire que c’est une puérilité, et souvent un défaut contraire à la simplicité et à la naïveté du style, que le soin minutieux d’éviter les hiatus dans la prose, comme le pratique l’abbé de La Bletterie ? Cicéron se moque, dans son Orator, de l’historien Théopompe, qui s’était trop occupé de ce soin ridicule. Il me semble qu’au mot hiatus ou bâillement, on pourrait faire à ce sujet un article plein de goût. 3°. Notre poésie même me paraît ridicule sur ce point ; on rejette, j’ai vu mon père immolé à mes jeux, et on admet, j’ai vu ma mère immolée à mes yeux, quoique l’hiatus du second vers soit beaucoup plus ridicule. 4°. Il a Antoine en aversion, n’est point proprement le concours de deux a ; parce que an est une voyelle nasale très différente de a. 5°. Pourquoi est-ce un défaut qu’un verbe ne soit qu’une seule lettre ; qu’importe qu’on y emploie une seule lettre ou plusieurs ? le seul défaut, c’est l’identité de la préposition à et du verbe a.

Page 13. Vers la fin ne faut-il pas dire vous voyez très rarement dans Virgile une voyelle suivie du mot commençant par la même voyelle ; car rien n’est plus commun, ce me semble, dans Virgile et dans tous les poètes qu’une rencontre de deux voyelles différentes. D’ailleurs, il y a, ce me semble, dans Virgile, et assez fréquemment, des élisions encore plus rudes que arma amens ; comme multùm ille et terris, etc., et mille autres semblables. Voilà bien du bavardage dont j’aurais pu me dispenser, en songeant au proverbe ne sus Minervam. L’auteur devrait bien consoler mon imbécillité (qui dure toujours), en m’envoyant la suite de l’ouvrage, si elle lui tombe entre les mains. J’embrasse de tout mon cœur mon illustre et respectable confrère, et je lui fais mon compliment sur le succès de Sirven, dont l’humanité lui est uniquement redevable. J’ai reçu, il y a quelque temps, par l’abbé Audra lui-même, l’Histoire générale abrégée, et je lui en ai écrit une lettre de remerciements, de félicitation et d’encouragement.