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Je ne sais pas si le parlement de Toulouse rendra Justice au pauvre Sirven ; je le souhaite pour son honneur, j’entends pour celui du parlement. À propos de Sirven, Damilaville avait un pauvre domestique qui l’a logé pendant longtemps, et à qui son maître avait promis de lui procurer pour cette bonne œuvre quelque gratification dont il a besoin, étant chargé de famille. Madame Denis m’a promis de vous en parler. Elle vous dira d’ailleurs que nous continuons, comme de raison, à la cour et à la ville, à dire et faire beaucoup de sottises ; mais elle ne vous dira sûrement pas assez combien je vous aime et vous regrette, et combien j’aurais de désir de vous embrasser encore une fois. En attendant, je vous embrasse, en esprit et en âme, de toutes mes forces et de tout mon cœur.

P. S. J’espérais un peu de l’infant duc de Parme, attendu la bonne éducation qu’il a eue ; mais où il n’y a point d’âme, l’éducation n’a rien à faire. J’apprends que ce prince passe la journée à voir des moines, et que sa femme, Autrichienne et superstitieuse, sera la maîtresse. Ô ! pauvre philosophie, que deviendrez-vous ? Il faut cependant tenir bon et combattre jusqu’à la fin.

Faisons notre devoir, et laissons faire aux dieux.


Paris, 9 novembre 1769.


Que béni soit l’homme de Dieu, mon très cher et très illustre maître, qui travaille à un mémoire pour la famille de ce malheureux ! j’espère que ce mémoire ne sera pas déshonoré par la mauvaise rhétorique du palais, comme l’ont été ceux de Calas. J’attends qu’un de mes amis et de mes confrères à l’Académie des sciences, M. Dionis du Séjour, homme vertueux et éclairé, quoique conseiller de la cour, soit de retour de la campagne, pour tirer au clair cette histoire abominable qui doit achever de couvrir de honte ces juges du dixième siècle, bien indignes de vivre au dix-huitième siècle, à moins que ce ne soit pour y être traités comme ils ont traité Martin.

Je n’ai point lu cette pièce de vers intitulée Michaut et Michel ; on* dit que les deux héros sont Michel de Saint-Fargeau et Michault de Monturon de Montblin, deux fanatiques du parlement, bien connus pour tels ; si la pièce est bonne, comme on le dit, je souhaite qu’elle soit publique et que l’auteur ne se fasse pas connaître. Je ne manquerai pas, au reste, d’assurer, et c’est la vérité, que vous n’y avez aucune part. Il est sûr que la pièce existe, mais elle est peu connue.