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mais que cette canaille les a supprimées, pour laisser toute la gloire de ce beau sujet à l’archevêque de Paris, dont on dit que le mandement roulera principalement sur cet article. Il faudra, pour réponse, faire imprimer les lettres de la Czarine à la suite du mandement.

Vous ne voulez donc pas me dire si la seconde édition de l’ouvrage de mathématiques est imprimée, et si je pourrai en avoir au moins un exemplaire. Il n’est plus possible de rien imprimer qu’en pays étranger, lorsqu’on effleure la canaille jansénienne : je crois pourtant que, quoique ces loups soient à craindre, la philosophie, avec un peu d’adresse, viendra à bout de leur arracher les dents. Vous avez bien raison, mon cher maître, les honnêtes gens ne peuvent plus combattre qu’en se cachant derrière les haies ; mais ils peuvent appliquer de là de bons coups de fusils contre les bêtes féroces qui infestent le pays.

L’essentiel, comme vous le dites, est de vivre gaiement, et de rire quand on a eu l’adresse de les coucher par terre. Adieu, mon cher et illustre philosophe ; mille respects à madame Denis, et mille compliments à MM. de Chabanon et de La Harpe. Les amis de ce dernier ont fait annoncer son prix dans la gazette ; ils se sont trop pressés, et ils sont cause que dorénavant l’Académie ne déclarera son jugement que le jour même de l’assemblée. Vale et me ama. Je vous embrasse de tout mon cœur.

N. B. J’oubliais de vous dire que le collège Mazarin, où président les deux cuistres Ribalier et Cogé pecus, le premier comme principal, le second comme régent de rhétorique, est un des plus mauvais collèges de l’Université, et reconnu pour tel ; cela peut servir en temps et lieu. On peut exhorter ces deux pédants à ne pas tant parler de philosophie, et à mieux instruire la jeunesse qui leur est confiée.

Je me recommande à vous pour me procurer, s’il est possible, tout ce que le neveu et le chat de l’abbé Bazin pourront donner de coups de griffe. Je n’ai plus d’autre plaisir que celui-là.


Paris, 22 septembre 1767.


Avouez, mon cher et illustre maître, que les pauvres mathématiciens à double courbure ont bien raison de se louer de vos libraires huguenots ; ces gens-là traitent les ouvrages de géométrie comme ils feraient le Catéchisme du docteur Vernet ou le Journal chrétien ; ils en font des papillotes, et en sont quittes après pour dire qu’ils les ont perdus. Je ne trouve pas mauvais qu’ils se frisent, quoique leur patriarche Calvin l’ait défendu ;