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briant, qui regrette beaucoup de ne s’être pas trouvé ce jour-là à la grand’chambre, et (lui est persuadé qu’il lui aurait épargné cette infamie. Vous saurez de plus qu’un conseiller de Tournelle, de mes amis et de mes confrères dans l’Académie des Sciences, a empêché, il y a peu de temps, que la Tournelle ne rendît encore un jugement pareil dans une affaire semblable, et a fait mettre l’accusé hors de cour.

Adieu, mon cher maître ; l’abbé de La Porte, qui fait un almanach des gens de lettres, m’a chargé de vous demander à vous-même votre article, contenant votre nom, les titres que vous voulez prendre, ceux de vos ouvrages que vous avouez, ceux même qu’on vous attribue, c’est-à-dire que vous avez faits sans les avouer, etc. Iterum vale.


26 janvier 1767.


Jai d’abord, mon cher et illustre maître, mille remerciements à vous faire du nouveau présent que j’ai reçu de votre part, de vos excellentes notes sur le triumvirat, que j’ai lues avec transport, et qui sont bien dignes de vous, et comme citoyen, et comme philosophe, et comme écrivain. Nous avons lu hier en pleine Académie votre lettre à l’abbé d’Olivet, qui nous a fait très grand plaisir ; elle contient d’excellentes leçons. Vous avez, bien raison, mon cher maître ; on veut toujours dire mieux qu’on ne doit dire ; c’est le défaut de presque tous nos écrivains. Mon Dieu, que je hais le style affecté et recherché ! et que je sais bon gré à M. de La Harpe de connaître le prix du style naturel ! Vous avez bien fait de donner un coup de griffe à Diogène Rousseau. On a publié ici, pour sa défense, quatre brochures, toutes plus mauvaises les unes que les autres : c’est un homme noyé, ou peut s’en faut ; et tout son pathos, pour l’ordinaire si bien placé, ne le sauvera pas de l’odieux et du ridicule.

J’avais déjà lu l’Hypocrisie[1] ; il y a des vers qui resteront, et Vernet vous doit un remerciement. Vous aurez vu ce que je dis de ce maraud à la fin de mon cinquième volume : je crois qu’on ne sera pas fâché non plus des deux passages de Rousseau, qui disent le blanc et le noir, et que je me suis contenté de mettre à la suite l’un de l’autre.

M. de La Harpe m’a déjà parlé du poème sur la Guerre de Genève ; ce qu’il m’en dit me donne grande envie de le lire ; je ne consentirai pourtant à trouver cette guerre plaisante qu’à condition qu’elle ne vous fera pas mourir de faim. Il ne manquerait

  1. Dans le volume des contes et satires.