de lui. Je l’ai toujours cru un peu charlatan, mais je ne le croyais pas un méchant homme. Je suis bien tenté de lui faire un défi public d’administrer les preuves qu’il a contre moi ; ce défi l’embarrasserait beaucoup : mais en vaut-il la peine ?
À l’égard de M. de La Chalotais, il paraît que tous les gens du métier conviennent que toutes les règles ont été violées dans la procédure qu’on a faite contre lui ; et que le roi, si plein de bonnes intentions, a été bien indignement et bien odieusement trompé dans cette affaire. Toute la France en attend la décision ; et, en attendant, ses persécuteurs sont l’objet de l’exécration publique. Adieu, mon cher maître ; la colère me rend malade, et m’empêche de vous en écrire davantage. Portez-vous bien, dormez (c’est ce que j’ai bien de la peine à faire), digérez de votre mieux, je ne parle pas de ce qui se fait, car cela est impossible à digérer, et surtout aimez-moi toujours.
C’est en effet, mon cher et illustre maître, un jugement de Salomon que celui dont vous me parlez. Nos pères de la patrie sont à bien des siècles de ce jugement-là. Heureusement tous les magistrats ne sont pas aussi absurdes. La cour des aides, qui, à la vérité, est présidée par M. de Malesherbes, vient d’en donner la preuve. Un nommé Broutel qui, avec les trois ou quatre marauds de la sénéchaussée d’Abbeville, avait principalement influé dans la condamnation de ces malheureux écervelés, a voulu être président de l’élection, qui est un autre tribunal, et qui, ainsi que toute la ville, a pris en horreur les juges de la sénéchaussée : l’élection n’en a point voulu ; il en a appelé à la cour des aides qui, au rapport de M. Goudin, homme de mérite, instruit et très éclairé, a débouté, tout d’une voix, ce maraud de sa demande. Cette aventure est une faible consolation pour les mânes du pauvre décapité, mais c’en est une pour les gens raisonnables qui ont encore leur tête sur leurs épaules. Je ne sais pas bien exactement si la tête de veau a parlé contre vous à ses confrères les singes ; on prétend au moins qu’il a dit qu’il ne fallait pas s’amuser à brûler des livres, que c’étaient les auteurs que Dieu demandait en sacrifice : ces tigres voudraient nous ramener au temps des Druides qui offraient à leurs dieux des victimes humaines. Vous saurez pourtant que la plupart des conseillers de la classe du parlement de Paris sont honteux de ce jugement, que plusieurs en sont indignés et le disent à très haute voix, entre autres le président comte abbé de Gué-