premiers commis, et Lalli n’avait pour parents que des prêtres irlandais, à qui il ne reste d’autres consolations que de dire force messes pour lui. Quoi qu’il en soit, qu’il repose en paix, et que ses respectables juges nous y laissent !
Je n’ai point vu l’actrice nouvelle par qui on prétend que mademoiselle Clairon sera remplacée ; mais j’entends dire qu’elle a en effet beaucoup de talent, d’âme et d’intelligence ; qu’elle n’a que des défauts qui se perdent aisément, mais qu’elle a toutes les qualités qui ne s’acquièrent point. Pour mademoiselle Clairon, elle a absolument quitté le théâtre, et a très bien fait : il faut en ce monde-ci avoir le moins de tyrans qu’il est possible, et il ne faut pas rester dans un état que tout concourt à avilir. Elle a pourtant joué, dans une maison particulière, le rôle d’Ariane, pour le prince de Brunswick, qui en a été enchanté. Ce prince de Brunswick a été ici fort goûté et fort fêté de tout le monde, et il le mérite. Il y a un gros prince de Deux-Ponts qui a commandé, dans la dernière guerre, l’armée de l’Empire, et qui durant la paix protège Fréron et autres canailles.
Ledit prince trouve très mauvais qu’on accueille le prince de Brunswick, et qu’on ne le regarde pas, lui gros et grand seigneur, héritier de deux électorats, et surtout, comme vous voyez, amateur des gens de mérite ; c’est que par malheur le prince de Brunswick a de la gloire, et que le gros prince de Deux-Ponts n’en a point.
Oui, j’ai lu, dans son temps, la prédication de l’abbé Coyer, et je crois qu’après la prédication même, c’est un des livres les plus inutiles qui aient été faits.
Je crois aussi que la préface de l’Histoire de l’Église est de votre ancien disciple ; il y a des erreurs de fait, mais le fond est bon. Quant à l’ouvrage, il est maigre, mais il est aisé de lui donner de l’embonpoint dans une seconde édition ; et c’est un corps de bon tempérament qui ne demande qu’à devenir gros et gras. Je présume qu’il le deviendra ; la carcasse est faite, il n’y a plus qu’à la couvrir de chair. Dans ces sortes d’ouvrages, c’est beaucoup que d’avoir le cadre, et un nom tel que celui-là à mettre au bas, parce qu’on n’ose pas brûler, à peine de ridicule, les cadres qui portent des noms pareils.
Adieu, mon cher et illustre maître ; vous devez avoir vu l’abbé Morellet ou Mords-les, qui sûrement ne vous aura point mordu, et que vous aurez bien caressé comme il le mérite. Vous avez vu aussi M. le chevalier de Rochefort, qui est un galant homme, et qui m’a paru aussi enchanté de la réception que vous lui avez faite, qu’il l’est peu du séjour de Versailles et de la société des courtisans. Iterum vale. Je vous embrasse de tout mon cœur.