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olim jésuite, comme il l’a mis à la tête d’un de ses ouvrages, est allé violer les anges en paradis. Il avait commencé par être l’associé d’Aliboron avec qui il s’était ensuite brouillé, du moins à ce que l’on m’a dit, car je n’avais l’honneur de fréquenter ni l’un ni l’autre.

Vous avez su que les Calas ont pleinement gagné leur procès ; c’est à vous qu’ils en ont l’obligation. Vous seul avez remué toute la France et toute l’Europe en leur faveur. Je ne sais ce qui arrivera des malheureux Sirven. On dit que l’avocat Beaumont va plaider leur cause ; je voudrais bien qu’avec une si belle âme et si honnête, cet homme eût un peu plus de goût ; et qu’il ne mît pas dans ses mémoires tant de pathos de collège. Le parlement de Toulouse est furieux, dit-on, et veut casser l’arrêt qui casse le sien ; il ne lui manque plus que cette sottise-là à faire. Les parlements finiront mal, et plus tôt qu’on ne croit ; ils sont trop fanatiques, trop sots et trop tyrans.

Adieu, mon cher maître ; moquez-vous de tout, comme vous faites, sans cesser de secourir les malheureux et d’écraser le fanatisme. Mes respects à madame Denis. Je suis charmé qu’elle ait été contente de ma petite drôlerie que la canaille janséniste et loyoliste ne trouvera pourtant guère drôle.


Paris, 29 avril 1765.


Vous avez dû, mon cher et illustre maître, recevoir, il y a peu de jours, par frère Damilaville, un excellent manuscrit pour justifier la Gazette littéraire des imputations ridicules des fanatiques. L’auteur, qui ne veut point être connu, vous prie de faire parvenir à l’imprimeur cette petite correction-ci qu’il faudra mettre dans l’errata, si par hasard cet endroit était déjà imprimé. J’espère qu’on ne fera pas la même faute pour cet ouvrage qu’on a faite pour le mien, d’en envoyer deux ou trois exemplaires extravasés à Paris, avant que le tout soit arrivé ; cette imprudence est cause que la canaille jansénienne et jésuitique a crié d’avance contre la Destruction, et que la publication en est suspendue par ordre du magistrat, quoique tous les gens sages qui l’ont lue trouvent l’ouvrage impartial, sage et utile. Tout ce que j’appréhende, c’est que pendant tous ces délais on n’en fasse une édition furtive qui pourrait léser M. Cramer. Ce ne sera pas la faute de l’auteur, mais il faut espérer que ceci servira d’avis pour une autre fois. J’attends que cette affaire soit finie pour en entamer une autre ; mais il faudra désormais être plus précautionné contre l’inquisition. Je viens de recevoir de votre