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tre confrère ; n’oubliez pas votre commentaire de Corneille pour l’Académie. Duclos m’a dit que vous veniez de lui écrire à ce sujet. Je lui avais fait part de votre lettre, et je ne doute point que l’oubli ne vienne de Cramer. Tout cela sera bien aisé à réparer : c’est un petit mal.

Si vous voulez savoir la généalogie du descendant de Gabrielle d’Estrées, adressez-vous à l’abbé d’Olivet, qui vous en dira des nouvelles. Son père était laquais de feu M. de Maucroix ; ce ne serait pas un tort, si le fils n’était pas un maraud ; mais ce n’est pas le tout d’être laquais, il faut être honnête.

Dites-moi un peu, je vous prie, sous le sceau de la confession, ce que vous pensez d’un M. le chevalier de La Tremblaye qui a été vous voir, qui fait, dit-on, de petits vers innocents, et à qui vous écrivez, à ce qu’on prétend, des lettres qui lui tournent la tête de vanité. Des personnes très considérables désireraient de savoir le jugement que vous en portez, et m’ont prié de vous le demander.


Paris, 3 janvier 1765.


Je commence, mon cher et illustre maître, par vous remercier des soins que vous voulez bien vous donner pour moi. Voici une lettre où je prie M. Cramer de hâter l’impression. Je ne lui parle qu’en passant de ce qui concerne mes intérêts ; c’est votre affaire de lui dire là-dessus ce qui convient ; cela devrait être fait de sa part. Je désirerais beaucoup d’avoir à me louer de lui, parce que j’aurai vraisemblablement, dans le courant de cette année, d’autres ouvrages à lui donner, étant comme résolu de ne plus rien imprimer en France. Assurément je n’ai point envie de me faire d’affaire avec les pédants à long et à petit rabat ; mais c’est bien assez de me couper les ongles moi-même de bien près, sans qu’un censeur vienne encore me les couper jusqu’au sang. M. Cramer peut compter, si j’ai lieu d’être content de lui en cette occasion, qu’il imprimera désormais tout ce que je ne voudrais pas soumettre à l’inquisition de nos Midas.

Je suis bien fâché, pour la philosophie et pour les lettres, du parti que prend Jean-Jacques, et en particulier de ce qu’il a dit contre vous dans son dernier livre que je n’ai pu lire, tant la matière est peu intéressante pour qui n’est pas bourdon ou guêpe de la ruche de Genève. Il a couru un bruit que vous lui aviez fait une réponse injurieuse ; je ne l’ai pas cru, et des gens en état d’en juger qui ont lu cette réponse, m’ont assuré qu’elle n’était pas de vous. Au nom de Dieu, si vous lui répondez, ce qui n’est peut-être pas nécessaire, du moins c’est le parti que je