font une grande sottise de se laisser chasser, et qu’ils peuvent en conscience (puisque conscience y a) signer le serment qu’on leur demande : mais je suis si aise de les voir partir, que je n’ai garde de les tirer par la manche pour les retenir ; et si je fais imprimer mes réflexions, ce sera quand je les saurai arrivés à bon port, pour me moquer d’eux ; car vous savez qu’il n’y a de bon que de se moquer de tout. Une autre raison me fait désirer beaucoup de voir, comme on dit, leurs talons ; c’est que le dernier jésuite qui sortira du royaume emmènera avec lui le dernier janséniste dans le panier du coche, et qu’on pourra dire le lendemain les ci-devant soi-disant jansénistes, comme nosseigneurs du parlement disent aujourd’hui les ci-devant soi-disant jésuites. Le plus difficile sera fait, quand la philosophie sera délivrée des grands grenadiers du fanatisme et de l’intolérance ; les autres ne sont que des cosaques et des pandoures qui ne tiendront pas contre nos troupes réglées. En attendant, toutes les dévotes de la cour, que les jésuites absolvaient des petits péchés commis dans leur jeune âge, crient beaucoup contre la persécution qu’on leur fait souffrir, et sur la précipitation avec laquelle on les expulse. Je leur ai répondu que le parlement ressemblait à ce capitaine suisse qui faisait enterrer sur le champ de bataille des blessés encore vivants ; et qui, sur les représentations qu’on lui faisait, répondait que, si on voulait s’amuser à les écouter, il n’y en aurait pas un seul qui se crût mort, et que l’enterrement ne finirait pas.
À propos de Suisse, savez-vous que frère Berthier se retire dans votre voisinage ? les uns disent à Fribourg, les autres chez l’évêque de Bâle. Il prétend qu’il ne veut plus aller chez des rois, puisqu’on l’accuse de les vouloir assassiner ; mais l’évêque de Bâle est roi aussi dans son petit village ; et à sa place je ne me croirais pas en sûreté. Ce qu’il y a de fâcheux, c’est que ce frère Berthier, si scrupuleux sur son vœu d’obéissance, ne l’est pas tant sur son vœu de pauvreté, s’il est vrai, comme on l’assure, qu’il s’en aille avec 4000 livres de pension pour la bonne nourriture qu’il a administrée aux enfants de France. Par ma foi, mon cher maître, si cet homme est si près de chez vous, vous devriez quelque jour le prier à dîner, et m’avertir d’avance, je m’y rendrais ; nous nous embrasserions ; nous conviendrions réciproquement, nous, que nous ne sommes pas chargés de foi, lui, qu’il nous est ennuyeux ; et tout serait fini, et cela ressemblerait à l’âge d’or.
On dit que le Corneille arrive. J’ai bien peur qu’il n’excite de grandes clameurs de la part des fanatiques (car la littérature a aussi les siens), et que vous ne soyez réduit à dire comme