cette conviction et réunion universelle, mais qu’il faut sacrifier quelques passagers pour amener tout le reste à bon port.
Voilà, mon cher et grand philosophe, sauf votre meilleur avis, comment je voudrais plaider notre cause commune. Je travaille en mon petit particulier, et selon mon petit esprit (pro mentula mea, comme disait un savant et humble capucin), à donner de la considération au petit troupeau. Je viens de faire entrer dans l’académie de Berlin Helvétius et le chevalier de Jaucourt. J’ai écrit à votre ancien disciple les raisons qui me le faisaient désirer, et la chose a été faite sur-le-champ ; car cet ancien disciple est plus tolérant et plus indifférent que jamais. Je voudrais seulement qu’il prît le temple de Jérusalem un peu plus à cœur.
J’ai lu et je sais par cœur Macare et Thélème ; cela est charmant, plein de philosophie, de justesse, et conté à ravir. On nous dira comme M. Thibaudois : Conte-moi un peu, conte ; et je veux que tu me contes, etc. C’est bien dommage que vous vous soyez avisé si tard de ce genre dans lequel vous réussissez à ravir comme dans tant d’autres. Ce n’est pourtant pas que je n’aie entendu faire de belles critiques de ce charmant ouvrage, à des gens qui à la vérité sont un peu difficiles, excepté sur les feuilles de Fréron. Ce sont pourtant des gens que vous louez (la marquise du Deffant), que vous croyez de vos amis, à qui vous écrivez, et même en prose et en vers : je vous laisse à deviner ; mais si vous devinez juste, ne me trahissez pas, et faites-en seulement votre profit.
À propos de lettres, vous en avez écrit une charmante au prince Louis qui en est ravi ; il la montre à tout le monde ; et en vérité il mérite ce que vous lui dites, par la manière dont il se conduit avec les gens de lettres.
Nosseigneurs du parlement travaillent à force leurs grosses et pesantes remontrances sur le mandement de l’archevêque de Paris en faveur des jésuites : cela est bien long, et surtout bien important. On prétend pourtant que l’effet de ces remontrances sera d’expulser les frères jésuites de Versailles, et peut-être du royaume : je leur souhaite à tous un bon voyage. Leur ami Caveirac, auteur de l’Apologie de la Saint-Barthélemi, a fait en leur faveur un ouvrage forcené qui a pour titre : Il est temps de parler ; je crois qu’on y répondra par : Il est temps de partir. Notez que ce Caveirac, qui écrit pour de l’argent, a autrefois fait des factums contre le P. Girard en faveur de La Cadière : ainsi sont faits ces marauds-là.
Adieu, mon cher maître. Vous me conseillez de rire, j’y fais de mon mieux, et je vous assure que j’ai bien de quoi. Je