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seillant, s’il restait quelque chose à faire, d’en laisser l’honneur à son frère Drusus, qui ne pouvait cueillir de lauriers et mériter le nom d’imperator, qu’en combattant les Germains, seuls ennemis qu’on eût alors. Germanicus obéit, quoiqu’il sentît que, par artifice et par envie, on lui arrachait la gloire qu’il s’était assurée.

Discours sur le luxe.

Octavius Fronto, zélé contre le luxe, proposa de borner, pour chacun , l’argenterie, les meubles et les esclaves.... Gallus lui opposa « que l’opulence des particuliers s’était accrue avec l’Empire ; que cet accroissement datait des temps les plus anciens ; que les Scipions avaient été plus riches que les Fabrices, en proportion avec la puissance de l’État ; que Rome naissante avait eu des citoyens pauvres, mais qu’arrivée depuis à tant de grandeur, ses membres devaient s’en ressentir ; que le nombre des esclaves, l’argenterie, les meubles étaient excessifs ou modiques, selon l’état du possesseur ; qu’on permettait plus d’aisance aux sénateurs et aux chevaliers, non comme à des êtres d’une autre nature, mais par égard pour leurs dignités, leur ordre, et comme un soulagement nécessaire à leur corps et à leur esprit ; qu’autrement les premiers de l’État auraient seuls les travaux à supporter, les risques à courir, et nul adoucissement à espérer. » L’avis de Gallus, qui couvrait d’un voile honnête l’aveu de nos vices, fut aisément adopté par des auditeurs semblables à lui, Tibère ajouta, que ce n’était pas le temps d’exercer la censure, et que si les mœurs se corrompaient, elles trouveraient un réformateur.

Discours au Sénat, et réponse de Tibère.

Je ne parlerais point de l’interruption des affaires pendant cette année , s’il n’était bon de faire connaître les différens avis de Pison et de Gallus sur cet objet. Quoique l’empereur eût annoncé son absence, Pison soutint que c’était un nouveau motif de travail, afin que, pour l’honneur de l’État, les sénateurs et les chevaliers pussent s’acquitter de leurs emplois, même hors des yeux du prince. Gallus (38), prévenu dans son avis par cette liberté apparente, y opposa , qu’on ne pouvait rien faire de grand, ni de digne du peuple romain, qu’en présence de l’empereur ; qu’il fallait donc réserver pour son retour le concours des peuples de l’Italie et l’affluence des provinces. La contestation fut vive, Tibère écoutant tout en silence ; mais les affaires furent interrompues.

Gallus eut aussi une contestation avec l’empereur. Il demanda