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raient ignorés de ce qu’on appelle le public ; et la considération dont jouit l’Académie des sciences serait moins générale. Aussi peut-on dire de Fontenelle qu’il a rendu la place dont il s’agit très-dangereuse à occuper. Les difficultés en sont d’autant plus grandes, que le genre d’écrire de cet auteur célèbre est absolument à lui, et ne peut passer à un autre sans s’altérer ; c’est une liqueur qui ne doit point changer de vase : il a eu, comme tous les grands écrivains, le style de sa pensée ; ce style original et simple ne peut représenter agréablement et au naturel un autre esprit que le sien : en cherchant à l’imiter, j’en appelle à l’expérience, on ne lui ressemblera que par les petits défauts qu’on lui a reprochés, sans atteindre aux beautés réelles qui font oublier ces taches légères. Ainsi, pour réussir après lui, s’il est possible, dans cette carrière épineuse, il faut nécessairement prendre un ton qui ne soit pas le sien ; il faut de plus, ce qui n’est pas le moins difficile, accoutumer le public à ce ton, et lui persuader qu’on peut être digne de lui plaire en se frayant une route différente de celle par laquelle il a coutume d’être conduit : car malheureusement le public, semblable aux critiques subalternes, juge d’abord un peu trop par imitation ; il demande des choses nouvelles, et se révolte quand on lui en présente. Il est vrai qu’il y a cette différence entre le public et les critiques subalternes, que celui-là revient bientôt, et que ceux-ci s’opiniâtrent.

ÉLOQUENT.

On appelle ainsi ce qui persuade, touche, émeut, élève l’âme : on dit, un auteur éloquent, un discours éloquent, un geste éloquent.

ÉRUDIT.

On appelle de la sorte celui qui a de l’érudition. Ainsi, on peut dire que Saumaise était un homme très-érudit. Érudit se prend aussi substantivement ; on dit par ellipse, un érudit, pour un homme érudit : l’ellipse a toujours lieu dans les adjectifs pris substantivement.

Les mots érudit et docte sont bornés à désigner les hommes profonds dans l’érudition ; savant s’applique également aux hommes versés dans les matières d’érudition et dans les sciences de raisonnement.


FIN DU QUATRIÈME VOLUME.