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de langues étrangères qu’en tant que ces dictionnaires servent à faire entendre une langue par une autre, tout ce que nous avons dit au commencement de cet article sur les définitions dans un dictionnaire de langue, n’a pas lieu pour ceux dont il s’agit ; car les définitions y doivent être supprimées. A l’égard de la signification des termes, je pense que c’est un abus d’en entasser un grand nombre pour un même mot, à moins qu’on ne distingue exactement la signification propre et précise d’avec celle qui n’est qu’une extension ou une métaphore ; ainsi, quand on lit dans un dictionnaire latin impellere, pousser, forcer, faire entrer ou sortir, exciter, engager, il est nécessaire qu’on y puisse distinguer le mot pousser de tous les autres, comme étant le sens propre. On peut faire cette distinction en deux manières, ou en écrivant ce mot dans un caractère différent, ou en l’écrivant le premier, et ensuite les autres, suivant leur degré de propriété et d’analogie avec le premier ; mais je crois qu’il vaudrait mieux encore s’en tenir au seul sens propre, sans y joindre aucun autre ; c’est charger, ce me semble, la mémoire assez inutilement ; et le sens de l’auteur qu’on traduit suffira toujours pour déterminer si la signification du mot est au propre ou au figuré. Les enfans, dira-t-on peut-être, y seront plus embarrassés, au lieu qu’ils démêleront dans plusieurs significations jointes à un même mot, celle qu’ils doivent choisir. Je réponds premièrement, que si un enfant a assez de discernement pour bien faire ce choix, il en aura assez pour sentir de lui-même la vraie signification du mot appliqué à la circonstance et au cas dont il est question dans l’auteur ; les enfans qui apprennent à parler, et qui le savent à l’âge de trois ou quatre ans au plus, ont fait bien d’autres combinaisons plus difficiles. Je réponds en second lieu, que quand on s’écarterait de la règle que je propose ici dans les dictionnaires faits pour les enfans, il me semble qu’il faudrait s’y conformer dans les autres ; une langue étrangère en serait plus tôt apprise, et plus exactement sue.

Dans les dictionnaires de langues mortes, il faut remarquer avec soin les auteurs qui ont employé chaque mot ; c’est ce qu’on exécute pour l’ordinaire avec beaucoup de négligence, et c’est pourtant ce qui peut être le plus utile pour écrire dans une langue morte, lorsqu’on y est obligé, avec autant de pureté qu’on peut écrire dans une telle langue. D’ailleurs, il ne faut pas croire qu’un mot latin ou grec, pour avoir été employé par un bon auteur, soit toujours dans le cas de pouvoir l’être. Térence, qui passe pour un auteur de la bonne latinité, ayant écrit des comédies, a dû, ou du moins, a pu souvent employer des mots qui n’étaient d’usage que dans la conversation, et qu’on ne