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On y demande, si la logique est un art ou une science ; si la conclusion est de l’essence du syllogisme, etc., etc. ; toutes questions qu’on ne trouvera point dans l’Art de penser, ouvrage excellent, mais auquel on a peut-être reproché, avec quelque raison, d’avoir fait des règles de la logique un trop gros volume. La métaphysique est à peu près dans le même goût : on y mêle aux plus importantes vérités les discussions les plus futiles, avant et après avoir démontré l’existence de Dieu, on traite avec le même soin les grandes questions de la distinction formelle ou virtuelle, de l’universel de la part de la chose, et une infinité d’autres ; n’est-ce pas outrager et blasphémer en quelque sorte la plus grande des vérités, que de lui donner un si ridicule et si misérable voisinage ? Enfin, dans la physique, on bâtit à sa mode un système du monde ; on y explique tout ou presque tout ; on y suit ou on y réfute à tort et à travers Aristote, Descartes et Newton : on termine ce cours de deux années par quelques pages sur la morale, qu’on rejette pour l’ordinaire à la fin, sans doute comme la partie la moins importante.

Mœurs et religion. Nous rendrons, sur le premier de ces deux articles, la justice qui est due aux soins de la plupart des maîtres ; mais nous en appelons en même temps à leur témoignage, et nous gémirons d’autant plus volontiers avec eux sur la corruption dont on ne peut justifier la jeunesse des collèges, que cette corruption ne saurait leur être imputée. A l’égard de la religion, on tombe sur ce point dans deux excès également à craindre : le premier et le plus commun, est de réduire tout en pratiques extérieures, et d’attacher à ces pratiques une vertu qu’elles n’ont assurément pas ; le second est au contraire de vouloir obliger les enfans à s’occuper uniquement de cet objet, et de leur faire négliger pour cela leurs autres études, par lesquelles ils doivent un jour se rendre utiles à leur patrie. Sous prétexte que Jésus-Christ a dit qu’il faut toujours prier, quelques maîtres, et surtout ceux qui sont dans certains principes de rigorisme, voudraient que presque tout le temps destiné à l’étude se passât en méditations et en catéchismes ; comme si le travail et l’exactitude à remplir les devoirs de son état, n’étaient pas la prière la plus agréable à Dieu. Aussi les disciples qui, soit par tempérament, soit par paresse, soit par docilité, se conforment sur ce point aux idées de leurs maîtres, sortent pour l’ordinaire du collège avec un degré d’imbécillité et d’ignorance de plus.

Il résulte de ce détail, qu’un jeune homme, après avoir passé dans un collège dix années qu’on doit mettre au nombre des plus précieuses de sa vie, en sort, lorsqu’il a le mieux employé son