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idée que de chercher à la relever par la pompe des paroles. Le psalmiste a dit : Les deux racontent la gloire de Dieu, et le firmament annonce l’ouvrage de ses mains : voyez comment un de nos plus grands poëtes a défiguré cette pensée sublime en voulant l’étendre et l’orner.

Les cieux instruisent la terre
A révérer leur auteur ;
Tout ce que leur globe enserre
Célèbre un Dieu créateur.
Quel plus sublime cantique
Que ce concert magnifique
De tous les célestes corps ?
Quelle grandeur infinie,
Quelle divine harmonie
Résulte de leurs accords ?

L’exemple, dira-t-on peut-être, est mal choisi ; cette strophe presque toute entière est mauvaise en elle-même, et indigne d’être comparée à son modèle. Prenons-en donc une autre dont on ne puisse contester la beauté, la première du cantique d’Ézéchias traduite par le même poète, et rapprochons-la de l’original.

J’ai vu mes tristes journées
Décliner vers leur penchant ;
Au midi de mes années
Je touchais à mon couchant ;
La mort déployant ses ailes,
Couvrait d’ombres éternelles
La clarté dont je jouis ;
Et dans cette nuit funeste
Je cherchais en vain le reste
De mes jours évanouis.

Quelque admirables que soient ces vers, on y reconnaît encore le poète. Le midi et le couchant des années, les journées qui déclinent vers leur penchant, les ailes de la mort déployées. Ces images, belles à la vérité, mais l’ouvrage de l’esprit qui cherche à peindre, et non du sentiment qui n^e veut qu’exprimer, peuvent-elles être comparées à la simplicité touchante de l’Écriture, à la tristesse profonde et vraie avec laquelle le prince jeune et mourant se présente aux portes de la mort ? J’ai dit au milieu de mes jours, je vais mourir ; et j’ai cherché le reste de mes ans.

Allons plus loin ; comparons le poète à lui-même dans le même ouvrage ; et quelque belle que soit la strophe que nous venons de citer, nous ne balancerons point à lui préférer la suivante, par cette seule raison que l’expression y est plus naturelle et moins étudiée :