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CHAPITRE XXII.
De la Royauté.

C’est un état bien triste pour l’âme, d’avoir peu à désirer et beaucoup à craindre ; telle est cependant la condition des rois. Placés dans le rang suprême, il n’y a rien au-dessus d’eux à quoi ils puissent aspirer, ce qui jette de la langueur dans leur âme ; au contraire, le danger et la crainte voltigent sans cesse autour d’eux comme un fantôme ou comme une ombre, ce qui bannit de leur âme la sérénité.

De là résulte encore cet autre effet, que le cœur des rois, comme dit l’Écriture, est souvent impénétrable ; car la multitude des soupçons, et l’absence d’un sentiment dominant qui commande aux autres, rend l’âme plus difficile à connaître.

Un autre malheur des rois, c’est qu’ils se créent des désirs et s’occupent profondément de bagatelles. Cela ne paraîtra point surprenant à ceux qui savent que l’homme se trouve plus heureux par le progrès dans les petites choses, que par la lenteur dans les grandes.

Les rois dépendent de leurs voisins, de leurs femmes, de leurs enfans, de leurs maîtresses, de leur maison, des grands de leur cour, de la noblesse, des magistrats, des marchands, du peuple et des soldats. Que d’entraves pour un seul homme !

CHAPITRE XXIII.
De l’Amour de soi-même.

L’amour de soi-même ressemble à la fourmi, qui est un insecte très-utile pour soi et très-nuisible dans un jardin.

CHAPITRE XXIV.
Des Innovations.

Comme les enfans nouveau-nés sont difformes, il en est de même des établissemens nouveaux qui sont les enfans du temps ; car le temps est le plus grand de tous les novateurs.