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place ne peuvent-ils s’accoutumer à leur disgrâce ou à leur retraite. La vieillesse même et les infirmités n’empêchent pas que la vie privée ne leur soit odieuse ; ils ressemblent à ces vieillards décrépits, qui, plutôt que de rester au dedans de leur maison, se font asseoir à leur porte, quoique, dans cette posture, ils ne soient qu’un objet de compassion ou de mépris.

CHAPITRE XX.
Des Séditions et des Troubles.

Il est très-important, pour les chefs du peuple, de savoir prévenir et prévoir les tempêtes politiques : elles arrivent principalement lorsque les différens ordres de l’État tendent à l’égalité, à peu près comme les grands ouragans arrivent vers le temps des équinoxes.

CHAPITRE XXI.
Des Voyages.

Les voyages font partie de l’éducation dans les jeunes gens, et de l’expérience dans les vieillards. Celui qui voyage dans les pays étrangers, sans être suffisamment instruit de la langue qu’on y parle, ne va pas proprement en voyage, mais à l’école.

Il est nécessaire qu’un jeune homme qui voyage ait un guide éclairé pour lui faire observer ce qui le mérite ; autrement il voyagera les yeux bandés et sans fruit.

Les journaux sont aussi très-utiles dans les voyages, et je suis étonné qu’on les néglige. C’est une chose singulière que les navigateurs fassent presque tous un journal, eux qui ne voient que le ciel et la terre, et qu’on se passe de journal dans les voyages du continent, où il se présente sans cesse tant de choses à remarquer ; comme si les observations dues au hasard méritaient plus d’être écrites que les remarques dues à l’attention et à la sagacité !

Faites voir que vous avez voyagé, plus par vos discours que par votre extérieur ; soyez même plus occupé de répondre à propos aux questions qu’on pourra vous faire, qu’empressé de les prévenir : surtout ne changez point les mœurs de votre pays pour des mœurs étrangères ; cherchez seulement à tempérer, et, pour ainsi dire, à orner les unes par les autres.