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par grandes qualités, et dire que, dans les sciences, le mépris de la gloire est celui des grandes qualités qui y conduisent ; mais j’avoue que je n’ai pas eu le courage de rendre, par cette longue phrase, la maxime si courte et si énergique de Tacite, contemptâ famâ, contemni virutes.

(81). Si le mariage de Livie déchirait comme en deux factions la maison des Césars : Si matrimonium Liviæ, velut in partes, domum Cæsarum distraxisset. Cette phrase pourrait s’entendre encore du démembrement violent que causerait Julie dans la maison des Césars, en se mariant à un simple particulier ; d’après ce sens, on pourrait traduire : si la maison des Césars était violemment démembrée par le mariage de Julie, et peut-être le mot velut autorise-t-il ce dernier sens. Cependant l’autre est aussi vraisemblable, quoiqu’il paraisse, par le texte même, qu’indépendamment de ce mariage, il y avait déjà une grande division entre Agrippine et Julie, et que par conséquent il existait déjà en quelque manière deux partis dans cette maison. Tibère veut dire, dans le sens adopté par nous, que ces deux partis éclateraient bien plus violemment l’un contre l’autre, distraherent, par le mariage de Julie. Peut-être pourrait-on traduire, en conservant à la fois les deux sens : si la maison des Césars était démembrée et déchirée par le mariage de Julie.

(82). Ose enfin attaquer Séjan. Quelques traducteurs entendent de Latiaris ce que d’autres attribuent à Sabinus. Je pense comme ces derniers ; mais l’autre sens peut avoir aussi ses défenseurs, le texte, en cet endroit, étant assez équivoque ; car audentius peut se rapporter aussi à Latiaris, qui s’étant borné d’abord à plaindre Sabinus, l’anime ensuite à se venger. J’avais même adopté ce sens dans les éditions précédentes ; mais je crois que la marche de la phrase latine, et le nom de Latiaris qui ne s’y trouve pas, indique plus clairement Sabinus.

(83). Qu’il se préparait à ne rien respecter, en faisant ouvrir à la fois, par les nouveaux magistrats, les temples et les prisons : quœsitum meditatumque, ne quid impedire credatur, quominus novi magistratus, quomodo delubra et altaria, sic carcerem recludant. Gordon traduit ce passage par une périphrase qui revient à celle-ci : que Tibère agissait ainsi par artifice, pour ne pas paraître priver les nouveaux magistrats de leur ancien priviége d’ouvrir les prisons aussi bien que les temples ; qu’il faisait pour cette raison exécuter Sabinus, durant un jour de fête, sans emprisonnement. Indépendamment de la longueur de cette périphrase, elle ne rend point le sens, puisque Tacite dit plus haut que Sabinus fut traîné en prison, tracte in carcerem. Le sens que j’ai suivi me paraît plus naturel, plus littéral, et plus lié avec le reste du récit ; en effet, ce qui précède prouve que le premier jour de l’année était un jour respectable, durant lequel il n’était permis d’emprisonner ni défaire mourir personne. Quem enm