Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, IV.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tres traducteurs entendent par ces mots, que les livres de Cremutius furent d’abord cachés, et publiés ensuite ; mais il me semble que les deux mots occultati et editi se rapportant également à manserunt, signifient que ces livres demeurèrent tout à la fois cachés et publics, parce que chacun les lisait avec empressement, mais en secret.

(78). Qu’on rendait au sénat encore plus d’honneurs qu’à moi. Quia cultui meo veneratio senatus adjungebatur. Il me semble que, suivant la force des mots latins, veneratio dit plus que cultus ; mais il n’était peut-être pas facile de trouver en français des équivalens bien précis de ces deux mots. Je me suis donc contenté d’exprimer, d’une manière générale, la différence des honneurs que, selon Tibère, on rendait au sénat et à cet empereur. Dans les précédentes éditions, je n’avais pas fait sentir cette nuance, et j’avais traduit simplement, que le sénat partageait les honneurs qui m’étaient rendus. D’autres traducteurs ont pensé de même, et je ne prétends pas les en blâmer, la nuance dont il s’agit étant assez légère, supposé qu’elle soit réelle ; mais comme il est évident, par ce qui précède et par ce qui suit, que les mots cultus meus, et veneratio senatûs, signifient ici le culte rendu à Tibère et au sénat, il faut, je crois, éviter, dans la version française, l’équivoque que présentent ces deux mots, et ne pas traduire, qu’à mon culte se joignait celui du sénat : car on ne saurait pas exactement s’il est ici question du culte rendu à Tibère et au sénat, ou du culte rendu par l’un et l’autre à Auguste. Si quelques traducteurs avaient fait cette faute amphibologique, elle serait bien légère, et c’est pour cela que je me permets de la remarquer.

(79). Soumis aux lois de l’humanité : la phrase latine, hominum officia fungi, me paraît signifier à la fois soumis aux devoirs de l’humanité et à la condition humaine : j’ai tâché d’exprimer ces deux choses dans la traduction.

(80). Et qu’en eux le mépris de la gloire est celui des vertus. Le texte dit en général : car mépriser la gloire, c’est mépriser les vertus : mais il me semble qu’en cet endroit l’intention de l’auteur est d’appliquer surtout cette maxime aux princes. Le mépris de la gloire dans les autres hommes, et surtout dans les simples particuliers, peut être souvent une bonne qualité plutôt qu’un défaut. D’ailleurs Tacite fait tenir ce discours à ceux qui blâmaient Tibère ; il faut donc, dans la traduction, lier cette phrase à la précédente.

J’ai traduit ici le mot virtutes par les vertus, et non la vertu, parce que la vertu proprement dite ne renferme que les vertus morales, la justice, la bienfaisance, etc., et qu’on acquiert souvent de la gloire par des vertus qui ne sont pas des vertus morales, comme la valeur, l’amour du travail, la fermeté dans le malheur, etc. Ces dernières vertus sont plutôt de bonnes qualités, que des vertus proprement dites : par cette raison on ferait peut-être bien de traduire ici virtutes