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est celui que je leur ai donné. D’ailleurs, si on adopte le sens que j’ai suivi, habitus, cultus et instituta expriment trois choses bien distinguées ; elles ne le font pas de même si on adopte le sens de Gordon ; et ce n’est pas l’usage de Tacite d’employer trois mots différens, pour exprimer à peu près la même idée.

(21). Il n’y avait dans ce discours qu’une fausse noblesse ; le texte porte à la lettre : il y avait dans ce discours plus de noblesse que de bonne foi. Et c’est ainsi que j’avais traduit dans les éditions précédentes ; mais comme cette noblesse de Tibère, dans le relus qu’il faisait de l’Empire, n’était que dissimulation et mensonge, j’ai cru que le mot de fausse noblesse rendrait ici avec plus de précision la vraie pensée de Tacite.

(22). Il rappela à Tibère lui-même ses victoires. On voit assez que ces victoires sont celles de Tibère, et non de Gallus : l’équivoque n’est ici que dans les mots, et nullement dans le sens ; et je n’ai pas cru devoir recourir à une périphrase. Il n’y a point d’écrivain qui ne se soit permis quequelfois ces légères amphibologies que la nature de la langue française rend presque inévitables. J’aurais pu traduire, pour éviter cette équivoque grammaticale, il rappela les victoires même de Tibère ; mais le texte dit qu’il s’adressait à Tibère, et non au Sénat, Tiberium admonuit ; excès grossier de flatterie, qui m’a paru ne devoir pas être supprimé.

(23). Les uns voulaient l’appeler mère de la patrie. Le texte dit, alii parentem, alii matrem patriæ appellandam. Il y a apparence ; que les deux mots parentem et matrem se rapportent également à patriæ ; mais ces deux mots, différens en latin, ne peuvent être traduits en français que par le seul mot de mère : j’ai donc été obligé de supprimer cette nuance. On pourrait néanmoins aussi rapporter parentem au mot sous-entendu patrum ou senatûs, et traduire mère du sénat ou leur mère, comme je l’avais fait dans les éditions précédentes. D’autres ont traduit simplement le mot parentem par celui de la mère ; ce qui ne présente pas, ce me semble, une idée assez nette : est-ce la mère de l’État ou la mère de l’empereur, ou était-ce un titre de distinction qu’on voulait donner à Agrippine, comme on donne, en France, le titre unique de Monsieur à l’aîné des frères du roi ? La phrase paraît susceptible de ces divers sens ; le lecteur choisira.

(24). Vous avez violé même ce que l’ennemi respecte, le droit des gens et des ambassadeurs. Hostium jus, et sacra legationis, et fas gentium. Il y a dans ces mots latins, jus, sacra et fas, une nuance qu’il est difficile de bien rendre en français sans une longue et insipide périphrase. Dans les éditions précédentes nous avions mis simplement le droit des gens, des ambassadeurs et des ennemis, ou,