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qui est sa signification naturelle ; mais ce démembrement emporte ici une idée de violence qu’il a fallu rendre par le mot déchirer.

La suite fit voir que ce jugement de la multitude était très-injuste, surtout à regard de Germanicus.

(14). Postumus Agrippæ. J’ai rendu ainsi les mots Postumi Agrippæ Quelques uns traduisent Agrippa Posthume, supposant apparemment que ce jeune prince (le dernier des trois enfans de Julie, fille d’Auguste, et de Marcellus, son premier mari) était né après la mort de son père : mais d’autres traduisent simplement, comme moi, Postumus Agrippa, ou Agrippa Postumus ; et j’ai cru devoir traduire ainsi, 1o. parce que Postumus était peut-être un simple pronom ou surnom, comme dans Rabitius Postumus, et dans beaucoup d’autres exemples ; 2o. parce que peut-être le nom de Postumus, qui est une espèce de superlatif de posterior, avait été donné au jeune Agrippa, non pas précisément comme posthume, mais comme le dernier des enfans de son père. En effet, on trouve dans le Dictionnaire de Gesner des exemples que Postumus signifie quelquefois simplement postremus. En vain objecterait-on que Posthumus, par un h, ne peut signifier que Posthume ; car Gesner soutient encore que Postumus doit s’écrire sans h, même dans cette dernière signification. Les enfans nés après la mort de leur père, ou simplement après son testament, s’appelaient postumi, c’est-à-dire, non pas seulement les derniers (posteriores), mais les derniers qu’il lui fût possible d’avoir.

(15). Il ne restait plus à employer que ce genre d’adulation. Ea sola species adulandi supererat. Le passage latin peut signifier, ou que c’était le seul genre d’adulation qu’on n’eût point encore imaginé, ou que c’était la seule espèce d’adulation qui pût flatter Tibère, peu louché des éloges grossiers qu’il recevait d’ailleurs. Il se peut même que Tacite ait eu les deux sens en vue, et c’est pour cela que j’ai tâché de les renfermer dans la traduction. Peut-être les exprimerait-on mieux encore en traduisant, il ne restait plus à essayer que ce genre d’adulation.

(16). Tibère y avec une orgueilleuse modestie, les en laissa maîtres. Remisit Cæsar arroganti moderatione. Quelques traducteurs donnent à ces mots un sens plus différent de celui-là qu’il ne le paraît d’abord, Tibère y consentit ; plusieurs autres ont traduit d’une manière tout opposée, Tibère le refusa, sans doute à cause des mots qui suivent. arroganti moderatione, avec une orgueilleuse modestie. Car, où aurait été la modestie, si Tibère avait consenti que les sénateurs portassent sur leurs épaules le cadavre d’Auguste ? D’un autre côté, Suétone dit expressément que les sénateurs exécutèrent en effet ce qu’ils avaient si bassement demandé ; mais leur bassesse même aurait-elle osé faire ainsi sa cour à Tibère après un refus essuyé de sa part ? Notre traduction, Tibère les en laissa maîtres, tient en quelque manière le milieu