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moment, un siège et la famine. Nous avons des armes, des hommes, un camp fortement retranché, des blés et des vivres pour une longue guerre. On vous a même donné des gratifications ; qu’elles viennent, à votre gré, de Vespasien ou de Vitellius, du moins vous les tenez d’un empereur romain.

Tant de fois vainqueurs de l’ennemi, tant de fois triomphans, vous seriez même des lâches en redoutant le combat ; mais, fortifiés comme vous l’êtes, vous pouvez attendre que les provinces voisines envoient une armée à votre secours ? Voulez-vous un autre général ? choisissez-le parmi les lieutenans, les tribuns, les centurions, les soldats même ; mais que l’univers ne voie point avec étonnement l’Italie menacée par un Civilis et un Classicus, quoique défendue par vous. Attaquerez-vous donc la patrie, si les Gaulois et les Germains vous mènent à Rome ? Je n’envisage ce forfait qu’avec horreur. Recevrez-vous le signal d’un Batave ? serez-vous la recrue des troupes germaniques ? Qu’attendrez-vous de votre crime, quand vous aurez en tête des légions romaines ? Deux fois déserteur, deux fois traîtres, vous allez errer sous la foudre céleste, entre vos anciens et vos nouveaux sermens.

Bienfaisant et puissant Jupiter, que, durant huit cent vingt ans, nous avons tant honoré dans nos triomphes ; et vous, Romulus, père de notre patrie, si vous voulez qu’un autre que moi maintienne cette armée dans la fidélité et dans l’honneur, au moins ne souffrez pas qu’un Tutor, un Classicus la déshonorent ! Accordez aux soldats romains, ou l’innocence, ou un prompt et salutaire repentir.

Discours d’un député des Ténectères[1], aux habitans de Cologne.

Nous vous félicitons d’être enfin libres avec nous. Jusqu’ici les Romains, pour nous écarter les uns des autres, nous avaient fermé les fleuves, les terres, et, pour ainsi dire, le ciel même, ou, ce qui est plus honteux à des nations guerrières, nous ne pouvions nous voir que sans armes, presque nus, avec des gardes, et à prix d’argent. Mais pour rendre notre alliance éternelle, abattez les murs de Cologne, ces monumens d’esclavage ; les bêtes féroces même perdent leur courage, si on les emprisonne ; massacrez les Romains dans tout votre pays ; la liberté ne souffre point de maîtres auprès d’elle. Osons, comme nos ancêtres, habiter également les deux bords du Rhin. La nature, qui a donné à tous les hommes la vie et la lumière,

  1. Nation Germanique, voisine du Rhin.