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Cette licence gagnera les provinces ; nous périrons par le crime et vous par la guerre. On vous offre autant pour faire votre devoir que pour assassiner votre empereur ; et nous récompenserons votre fidélité comme d’autres votre révolte. »

Discours d’Othon aux soldats.

Je ne sais, chers compagnons, sous quel nom je me montre à vous : appelé par vous à l’Empire, mais voyant régner un autre, je ne suis ni particulier ni prince. Vous-même, quel nom prendrez-vous, ignorant si vous avez ici l’ennemi ou le chef de l’État ? N’entendez-vous pas demander votre supplice et le mien ? Tant il est vrai que nous devons périr ou vivre ensemble ! Peut-être ce Galba si doux a-t-il déjà promis notre mort, lui qui a, de son plein gré, immolé tant d’innocens. Je me rappelle avec horreur sa funeste entrée dans Rome, et son ordre, après une seule victoire, de décimer publiquement ceux qui s’étaient rendus à lui. Quel camp, quelle province n’a-t-il pas souillés de sang, ou, comme il le dit, châtiés et corrigés : ce que d’autres appellent crime, il le nomme remède ; sa barbarie, sévérité ; sa lésine, économie ; votre avilissement et vos supplices, règle et discipline. Vinius[1] vous eut montré moins d’avarice et d’insolence s’il avait régné lui-même ; mais il nous opprime comme ses sujets, et nous méprise comme ceux d’un autre.

Galba, pour nous faire craindre son successeur même, rappelle de l’exil l’homme qui lui ressemble le plus par sa dureté et son avarice : vous avez vu par quel affreux orage les dieux ont condamné cette funeste adoption. Le sénat, le peuple romain pensent de même ; ils comptent sur votre courage qui affermira la bonne cause, mais sans lequel elle est perdue. Je ne vous appelle ni à la guerre ni au péril ; toute l’armée est avec nous ; une seule cohorte, qui reste à Galba, le défend moins qu’elle ne l’arrête. Dès qu’elle vous verra, qu’elle recevra mon signal, elle ne disputera plus avec vous que de zèle pour moi. Hâtons-nous de porter un coup qui ne peut être loué qu’après le succès.

Portrait de Galba, successeur de Néron.

Ainsi finit Galba à l’âge de soixante-treize ans, ayant échappé à cinq empereurs, et plus heureux sujet que souverain (158). Sa noblesse était ancienne, ses biens immenses, son esprit médiocre ; plutôt sans vices que vertueux, il n’eut ni mépris ni avi-

  1. Favori de Galba.