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courage (156), et des morts pareilles aux plus belles de l’antiquité ; enfin d’autres événemens plus ordinaires, des prodiges sur la terre et dans le ciel, des coups de foudre, des présages clairs, douteux, funestes, favorables. Jamais le peuple romain n’éprouva, par des malheurs plus grands et plus mérités, que les dieux ne veillent sur les hommes que pour les punir.

Portrait de Mucien.

Mucien commandait à quatre légions et à la Syrie ; ses succès et ses revers l’ont rendu fameux. Jeune, il ambitionna la faveur des grands ; ruiné ensuite et sans appui, ayant même, dit-on, déplu à Claude, il fut relégué en Asie, aussi semblable pour lors à un exilé qu’il le fut depuis à un prince. Mêlé de bien et mal, de mollesse et d’activité, de politesse et d’arrogance, livré aux plaisirs, dans l’oisiveté, déployant au besoin des qualités rares, louable en apparence, au fond peu estimable, mais habile à séduire, par divers artifices, ses inférieurs, ses proches, ses collègues : il lui était plus facile de faire un empereur que de l’être.

Discours de Galba à Pison, en l’adoptant et en l’associant à l’Empire.

Galba[1] ayant pris la main de Pison, lui parla en ces termes : « Quand je ne serais que particulier et que je vous adopterais devant les pontifes suivant les lois et l’usage, il serait honorable pour moi de faire entrer dans ma maison un descendant de Crassus et de Pompée ; et pour vous, d’ajouter à votre naissance l’illustration des Sulpitius et des Lutatius. La volonté des Dieux et des hommes m’ayant appelé au gouvernement, vos bonnes qualités et l’amour de la patrie m’engagent à vous tirer du repos, en vous offrant cet Empire que la guerre m’a donné, et que nos ancêtres se disputaient les armes à la main : ainsi Auguste plaça près de son trône son neveu Marcellus, après lui son gendre Agrippa, ensuite ses petits-fils, enfin Tibère fils de sa femme. Mais Auguste a cherché un successeur dans sa maison, et moi dans la république. Ce n’est pas que je manque de parens ou des compagnons de guerre ; mais n’ayant point accepté l’Empire par ambition, c’est pour justifier mon choix que je vous préfère à mes proches et même aux vôtres. Vous avez un frère, votre égal en naissance, votre aîné, et digne de l’Empire, si vous ne l’étiez davantage. Vous

  1. Galba avait succédé à Néron.