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secrète, on s’empressait peu de chercher quel était le coupable. Heureuses les familles, si elles n’étaient jamais divisées par des querelles plus sérieuses !



NOTES.


(1) Voltaire, dans une lettre à La Harpe, qui avait daigné répondre à quelqu’un de ces satiriques, s’exprime encore avec plus d’énergie sur cette vile profession. « Lorsque la raison, dit-il, les talens, les mœurs de ce jeune homme auront acquis quelque maturité, il sentira l’extrême obligation qu’il vous aura de l’avoir corrigé. Il apprendra qu’un satirique, qui ne couvre pas par des talens éminens ce vice né de l’orgueil et de la bassesse, croupit toute sa vie dans l’opprobre ; qu’on le hait sans le craindre, qu’on le méprise sans qu’il fasse pitié ; que toutes les portes de la fortune et de la considération lui sont fermées ; que ceux qui l’ont encouragé dans ce métier infâme, sont les premiers à l’abandonner ; et que les hommes méchans qui instruisent un chien à mordre, ne se chargent jamais de le nourrir. »

Si l’on peut se permettre un peu de satire, ce n’est, ce me semble, que quand on est attaqué. Corneille, vilipendé par Scudéri, daigna faire un mauvais sonnet contre le gouverneur de Notre-Dame de la Garde ; Fontenelle, honni par Racine et par Boileau, leur décocha quelques épigrammes médiocres[1]. Il faut bien quelquefois faire la guerre défensive. Il y a eu des rois qui ne s’en sont pas tenus à cette guerre de nécessité.


(2) Quoique la plupart des comédies données au théâtre par Voltaire, ou simplement imprimées, soient écrites en vers, et que ce grand poète ait plus d’intérêt que personne à faire valoir le charme d’une versification élégante et facile, cependant il avoue, dans ses Remarques sur Molière, à l’occasion de l’Avare, qu’il peut y avoir de très-bonnes comédies en prose ; il ajoute même, comme nous venons de l’observer d’après Destouches, qu’il y a peut-être plus de difficulté à réussir dans ce style ordinaire, où l’esprit seul soutient l’auteur, que dans la versification, qui, par la rime, la cadence et la mesure, prête des ornemens à des idées simples, que la prose n’embellirait pas. C’est sans doute pour prouver cette assertion par un nouveau et brillant succès, que ce grand homme a écrit en prose la comédie de l’Écossaise, dont les traits charmans et les scènes, tantôt intéressantes, tantôt plaisantes, ne laissent point à désirer qu’elle soit en vers. On peut en dire autant d’un autre drame qui,

  1. Il faut en excepter l’épigramme de Fontenelle sur la satire de Boileau contre les femmes.