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Il semble pourtant assez avéré, par des lettres qu’écrivirent alors à M. de Lamoignon quelques académiciens, et qui ont été conservées par la famille[1], que M. de Tourreil, en proposant ce magistrat, avait répondu de son acceptation, conjointement avec l’abbé Boileau et Regnier Desmarais, alors secrétaire de la compagnie. S’étaient-ils imprudemment avancés, ou avaient-ils en effet tiré de ce magistrat une promesse qu’il n’osa tenir ensuite, pour ne pas désobliger deux princes du sang (car le prince de Conti était le second) qui s’intéressaient vivement au succès de l’abbé de Chaulieu ? c’est ce que nous ignorons, et ce qu’il est aujourd’hui assez peu important d’éclaircir. Nous savons seulement que l’abbé Testu de Belval[2], un des académiciens qui intriguèrent le plus vivement dans cette affaire, désirait, quoique attaché à M. de Lamoignon, de voir entrer dans la compagnie l’abbé de Chaulieu, et qu’il exhortait, par ses lettres, le magistrat à persévérer dans son refus. Tourreil, pour s’en venger, fit une épigramme dans laquelle, après avoir peint l’abbé Testu sous des couleurs peu favorables, on supposait que M. de Lamoignon disait à cet abbé :

........Tirez-moi de souci ;
De cette Académie en êtes-vous aussi ?
— Si j’en suis, moi ? sans doute, et j’y régente en maître.
— Suffit, dit Lamoignon, je n’en veux donc plus être.


ÉLOGE DE BOISSY[3]


Ayant fait en province ses premières études, il vint à Paris à l’âge de vingt ans, sans fortune, et pressé de vivre. Le besoin impérieux de subsister, et la ressource, malheureusement unique, que sa plume lui offrait pour satisfaire à ce besoin, lui fit embrasser le genre d’écrire qui pouvait le plus aisément lui procurer des lecteurs, mais qui devait plus sûrement encore lui attirer beaucoup d’ennemis. Il se fit à la fois connaître et haïr par quelques satires imprimées, où il attaquait, sans ménage-

  1. Voyez la Vie de M. le premier président de Lamoignon, par M. Gaillard, de l’Académie Française et de celle des belles-lettres, p. 45 et suiv. Cette vie, intéressante et bien écrite, a été imprimée d’abord à la tête d’une édition nouvelle, et publiée en 1781, du Recueil de Jurisprudence connu sous le nom d’Arrêtés de Lamoignon, et depuis à la suite de l'Histoire de Charlemagne, du même auteur.
  2. Voyez son article.
  3. Louis de Boissy, ne à Vic en Auvergne, le 26 novembre 16945 reçu le 25 août 1754, à la place de Philippe Nericault Destouches ; mort le 19 avril 1758.