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DU CARDINAL DUBOIS

qui avait fondé le collège de Saint-Michel, rue de Bièvre, accorda pour lui, aux sollicitations de son père, une place de boursier dans ce collège ; mais il n’en eut que la promesse, et fut obligé, pour achever ses études, de se mettre au service du principal. Ce principal était M. Faure, l’un des grands-vicaires de l’archevêque de Reims. L’abbé Dubois étant venu lui rendre visite long-temps après sa sortie du collège, lui dit en se retirant : Monsieur, je suis votre valet. Mon ami, lui répondit M. Faure, tu ne m’apprends rien de nouveau.

La Montre, maître de mathématiques, fut un des premiers amis qu’il eut à Paris. La Montre prit une si grande affection pour lui, qu’il l’aimait comme son frère, et qu’il l’a servi toute sa vie avec le plus grand zèle.

Étant au collège de Saint-Michel à l’âge de vingt ou vingt-un ans, dans un temps oii il n’était guère permis de se montrer partisan d’une philosophie nouvelle, il enseignait les principes de Descartes, et en débitait, pour ainsi dire, les mystères sous le manteau. C’était à peu près dans ce même temps que l’abbé Colbert ayant levé le masque sur ce sujet, et abandonné Aristote pour Descartes, donna les nouvelles opinions de cette philosophie sous le nom de Duhamel.

L’abbé Dubois répétait alors la philosophie aux deux enfans que madame de Rians, femme du procureur du roi au châtelet, avait eus d’un premier lit. Il en tirait vingt francs par mois, rétribution alors assez considérable ; et comme les enfans avaient peu de goût pour la philosophie, il leur apprenait en même temps l’italien, pour gagner au moins, disait-il, leur argent.

Au sortir du collège, il fut d’abord précepteur chez Mauroy, marchand du Petit-Pont, de là chez M. de Gourgues, maître des requêtes ; La Montre, son ami, le fit entrer ensuite chez M. le marquis de Pluvant, maître de la garde-robe de Monsieur. Après l’avoir eu quelque temps auprès de son fils, M. de Pluvant en parla à M. de Saint-Laurent, sous-gouverneur de M. le duc de Chartres, depuis régent du royaume. M. de Saint-Laurent l’agréa pour enseigner au jeune prince les premiers èlémens de la langue latine. Il avait mille livres d’appointemens. M. de Saint-Laurent avait chargé M. Fremont de l’examiner, et le mit en exercice sur son témoignage. Je serais bien aise, dit M. de Saint-Laurent à M. Fremont, que ce petit abbé n’allât point manger au cabaret ; cela n’est honnête ni pour lui ni pour nous. Alors M. Fremont le logea dans sa maison, et le fit même coucher long-temps avec lui. M. de Saint-Laurent le tenait fort à la gêne, et ne le laissait pas trop s’émanciper, s’étant aperçu de son esprit intrigant.