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XI. Ceux des religieux profès qui renonceront à l’institut, ne doivent-ils pas en même temps, pour mettre à couvert leur religion et leur honneur, déclarer les motifs d’attachement à leur souverain et à leur patrie, qui les obligent à cette renonciation, et demander acte de cette déclaration juridique ?

XII. Est-il nécessaire d’exiger autre chose des religieux non-profès qu’une simple déclaration juridique qu’ils n’ont point fait de vœux, et la promesse de n’en point faire ?

XIII. Et à l’égard de ceux qui ont renoncé d’eux-mêmes à l’institut, avant l’arrêt qui exige le serment, est-il nécessaire d’en exiger autre chose que la simple déclaration juridique qu’ils y ont renoncé ?

XIV. Les Jésuites n’embarrasseront-ils pas également les jansénistes leurs ennemis, soit qu’ils prêtent le serment qu’on exige, soit qu’ils ne le prêtent pas ? S’ils le prêtent, ils ôtent à ces ennemis acharnés l’espérance et le plaisir de les voir bannir ; s’ils refusent de le prêter, ils réfutent sans réplique l’imputation qu’on leur a tant faite, de se jouer de la religion et des serments. Dans le premier cas, ils déconcertent la haine ; dans le second, ils confondent la calomnie. Quel parti doivent-ils prendre ? celui de déconcerter la haine et de confondre la calomnie tout à la fois, en joignant au serment qu’on exige, la déclaration dont la substance est contenue dans la question XI, et dont nous donnerons plus bas la formule.

XV. Quel fléau que les querelles de religion, et en particulier que la querelle absurde et misérable du jansénisme, qui, depuis plus de cent ans, a fait tant de malheureux dans un des deux partis, et qui maintenant va en faire autant dans l’autre !

XVI. Quel bien pour les peuples et pour les rois, que la lumière de la philosophie, qui, en inspirant pour ces disputes frivoles le mépris qu’elles méritent, est le seul moyen d’empêcher qu’elles ne deviennent dangereuses ?

XVII. Quel est l’auteur de ces réflexions ? un Français uniquement attaché à sa patrie, qui ne s’intéresse ni à la grâce versatile, ni à la délectation victorieuse ; qui n’est ni d’aucune secte, ni d’aucun ordre, ni de la congrégation des messieurs, ni de la troupe de S. Médard ; qui n’a reçu ni de l’argent du général des Jésuites, ni des coups de bûches dans les greniers des convulsionnaires ; qui voudrait que les hommes vécussent en paix, et que tant de haines excitées pour des visions, tant de méchancetés profondes, occasionnées par des disputes creuses, tant de malheurs enfin, causés par tant de sottises, leur apprissent une bonne fois à être sages.

Ainsi soit-il.