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ÉLOGE

plicilé jointe à la noblesse, et la précision à l'abondance ; une mémoire heureuse, et en même temps un jugement sûr, pour appliquer finement et à propos les plus beaux traits des anciens aux événements modernes ; enfin, la connaissance réunie des beaux-arts, de l'antiquité, et des convenances actuelles ou locales. Ou ne doit donc pas être étonné que parmi tant de médailles et d'inscriptions, la plupart ou tristement insipides, ou ridicule- ment fastueuses, il y en ait peu qui méritent d'être citées ; elles sont si rares, qu'on peut les regarder comme une espèce de bonne fortune pour ceux qui les trouvent, encore cette bonne fortune n'arrive-t-elle qu'à ceux qui la méritent. Nous pouvons mettre au nombre de ces heureuses devises, celle de la médaille frappée à l'occasion du logement donné par le roi à l'Académie Française, dans le Louvre même. Cette devise était Apollo pa- latinus ; allusion ingénieuse au temple d'Apollon, bâti dans l'enceinte du palais d'Auguste (I). Il est d'autant plus juste de rappeler ici cette médaille, que non-seulement Charles Perrault en fut l'auteur, mais que la compagnie lui fut redevable du lo- gement qu'elle obtint. Elle reçut cette grâce du monarque dans le même temps où le roi voulut bien se déclarer son protecteur. Ce titre, porté jusqu'alors par le cardinal de Richelieu et le chancelier Seguier, était trop grand, osons le dire à l'honneur des lettres, pour tout autre que pour le souverain. Colbert, éclairé par les sages conseils de Charles Perrault, fit sentir au roi que la protection due au génie est un des plus nobles apa- nages de l'autorité suprême, et ne doit point lui être enlevée par un simple sujet, suffisamment honoré, quelque grand qu'il puisse être, d'appuyer les lettres de son crédit auprès du prince, d'en favoriser les progrès, et de connaître le prix de ceux qui les cultivent. Tel est surtout un des principaux devoirs des hommes en place, que le monarque honore de sa confiance ; puissent-ils ne le jamais oublier! Les lettres eurent bientôt à Charles Perrault une obligation encore plus signalée que celle d'habiter le palais des rois. Il pro- cura l'établissement de l'Académie des sciences, qui d'abord eut la même forme que l'Académie Française, l'égalité parfaite entre ses membres, et qui aurait dû conserver cette forme, la seule convenable à une société littéraire. Claude Perrault, frère de Charles, homme d'un mérite rare, et que tous les traits de Des- préaux n'ont pu réussir à rendre ridicule, eut beaucoup de part à cet établissement si utile. Il fut un des premiers et des plus dignes membres de l'Académie naissante ; il se donna pour con- frères les Huyghens, les Roëmer, les Cassini, les Mariotte, les Roberval, et beaucoup d'autres hommes illustres, dont le mé-