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ÉLOGE[1]

DU PRÉSIDENT ROSE[2].

Quoique le président Pvose ne soit pas au nombre des académiciens qui ont illustré la compagnie par leurs ouvrages ou par leur rang, c’est néanmoins un de ceux qui ont le plus de droit à son souvenir. Avant même que d’être reçu dans l’Académie, il lui avait déjà rendu un service signalé. Voici le fait, tel qu’il est raconté dans les mémoires de Charles Perrault. Nous ne changeons rien à ce récit, dont nous croyons que la simplicité naïve ne déplaira pas à nos lecteurs. Le roi jouait à la paume à Versailles, et après avoir fini sa partie se faisait frotter au milieu de ses officiers et de ses courtisans, lorsque M. Rose, secrétaire du cabinet, qui le vit en bonne humeur, et disposé à entendre raillerie, lui dit ces paroles : Sire, on ne peut pas disconvenir que votre majesté ne soit un très-grand prince, très-bon, très-puissant et très-sage, et que toutes choses ne soient très-bien réglées dans son royaume. Cependant j y vois régner

1. Les éloges des membres de l’Académie Française fuient publiés en six volumes in-12. Le premier a été imprimé sous les yeux de l’auteur, comme pour pressentir le goût du public ; les autres volumes furent donnés après sa mort, par les soins de Condorcet. Le premier volume ctant un choix des éloges composés par d’Alembert, Condorcet ne put suivre, dans l’impression dus cinq volumes qu’il donna, l’ordre chronologique que nous adoptons, comme le plus naturel.

2. Toussaint Rose, secrétaire du cabinet du roi et président à la chambre des comptes de Paris, né en 1611 ; reçu à la place de Valentin Conrart, le 12 décembre 1675 ; mort le 6 janvier 1701.

L’éloge du président Rose, qui se trouve ici le premier à cause de l’ordre que nous avons adopté, ne fut lu qu’après beaucoup d’autres.

Comme cet académicien étoit peu connu d’une partie de l’assemblée, l’auteur fit précéder son éloge par le discours qu’on va lire.

« Jusqu’ici, messieurs, votre indulgence m’a soutenu, et vos lumières m’ont éclairé dans la composition des élotjes que j’ai soumis à votre censure. Tous ces éloges ont eu pour objet des hommes très-connus dans les lettres* permettez-moi de mettre nn moment sous vos yeux celui d’un académicien dont il reste à la vérité peu de souvenir, mais dont la vie renferme quelques anecdotes qui pourront vous intéresser. Le ton que j’ai cru devoir prendre dans les éloges précédcns, et que vous avez paru ne pas désapprouver, ne doit pas être le même, si je ne me trompe, dans le morceau que vous allez entendre. Mais puis-je me flatter d’avoir saisi la vraie manière propre à mon sujet ? C’est, messieurs, sur quoi vous allez prononcer. Comme cette lecture sera courte, elle aura pour moi le double avantage, et de m’obtenir vos conseils, et de ne pas vous eunuyer long-temps. »

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