droiture des intentions du roi, on le plaint d’avoir été si inhumainement obéi.
Les sentimens que Christine montre dans sa lettre lui font honneur, et sont un des plus beaux monumens qui restent d’elle. Êtes-vous bien persuadé, écrivait-elle au chevalier de Terlon, de la sincérité de ces nouveaux convertis ?… Les gens de guerre sont d’étranges apôtres… Je plains tant d’honnêtes gens réduits à l’aumône… Quoique dans l’erreur, ils sont plus dignes de pitié que de haine… Je considère la France comme un malade à qui on coupe le bras pour extirper un mal que la patience et la douceur auraient guéri. Elle finit sa lettre par opposer la conduite de Louis XIV, envers ses sujets protestans, à la conduite qu’il tenait alors envers le pape. Ce dernier article est de trop, ainsi que ses déclamations ultramontaines contre les libertés de l’Église gallicane, et contre les fameux articles de 1682.
Christine trouva très-mauvais que Bayle eût publié cette lettre, et fut encore plus choquée des réflexions qu’il y avait jointe » pour jeter sur la conversion de la reine une espèce de doute. Ses plaintes furent le sujet d’une négociation assez longue entre le philosophe et la princesse ; et cette négociation se termina à la satisfaction réciproque de l’une et l’autre.
L’affaire des franchises qui faisait alors (en 1687) tant de bruit en France, n’en faisait pas moins à Rome. Christine, qui avait d’abord renoncé à son droit, voulut annuler sa renonciation, par le mécontentement qu’elle eut de l’insolence des officiers du pape, qui avaient poursuivi et enlevé un criminel jusque dans sa maison. Mais cette affaire qui se traitait à Paris avec beaucoup d’appareil, et qui produisit de la part du pape des excommunications, et de la part du parlement des arrêts et des appels au futur concile, se traitait plus paisiblement entre Christine et le pape, par le moyen de leurs confesseurs. Néanmoins elle fut aussi difficile à accommoder que si Christine eut été redoutable.
Le prince de Condé était mort l’année précédente ; Christine, dont l’admiration pour ce prince n’avait jamais été refroidie par la disgrâce, écrivit à mademoiselle Scudéri pour l’engager à célébrer un héros si digne d’éloge. Elle paraît dans cette lettre envisager sa fin avec assez de stoïcisme. La mort, dit-elle, qui s’approche et ne manque jamais à son moment, ne m’inquiète pas, je l’attends sans la désirer ni la craindre.
Cependant la guerre recommençait en Europe en 1688. On voit par une des dernières lettres de Christine, qu’elle prévit quelle en serait l’issue par rapport au roi Jacques II. Ce prince plus louable dans une oraison funèbre que dans l’histoire, et