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enseigne la doctrine qu’elles contiennent ; que le janséniste entend dans un sens les propositions condamnées chez Quesnel, et le constitutionnaire dans un autre sens ; que le premier croit voir la toute-puissance de Dieu proscrite par cette condamnation, et que le second y voit seulement les droits de la liberté de l’homme assurés. Eh ! messieurs, leur direz-vous, de quoi disputez-vous donc avec tant de violence, lorsqu’au fond vous êtes d’accord, ou du moins lorsque vous ne pouvez faire entendre à des hommes de bon sens de quoi vous disputez ? eh ! laissez là le sens de Jansénius et celui de Quesnel, et tâchez seulement de ne pas renoncer au sens commun. N’êtes-vous pas honteux d’être acharnés depuis cent ans les uns contre les autres pour de pareils objets ? et trouvez-vous que le roi et les magistrats aient eu tort de penser qu’il est temps que toute cette belle dispute finisse ? Embrassez-vous donc, mes chers amis ; ne pensez plus au sujet qui vous a divisés, que pour en rire vous-mêmes, pour être modestes, et pour plaindre le sort de l’espèce humaine dans les sornettes qui l’agitent et dont elle n’est que trop souvent la victime. Allez, et gardez-vous bien de vous moquer jamais de la guerre des cordeliers sur la forme de leurs manches et de leur capuchon.

Vous ririez bien davantage, monsieur, si après avoir réconcilié le janséniste et le moliniste, vous entrepreniez de réunir les jansénistes eux-mêmes au sujet de ces convulsions, l’opprobre et le ridicule de notre siècle. Car vous savez que cette importante matière est entre eux un sujet de division et de scandale. Il ne serait pas même impossible qu’à cette occasion mes respectables critiques, après m’avoir déchiré du mieux qu’ils ont pu, et chacun suivant ses forces, n’en vinssent à se déchirer les uns les autres ; car l’un d’eux est convulsioniste décidé, et vraisemblablement convulsionnaire, surtout si on en juge par son style : un autre appelle sans façon scandale et fanatisme cette œuvre divine, et nous avertit bien de ne la pas confondre avec la précieuse doctrine du jansénisme : un troisième, espèce de janséniste manichéen, et à coup sûr grand philosophe, partage l’opération par moitié entre Dieu et le diable, ce qui paraît fort bien imaginé. Il faut avouer, monsieur, que ces convulsions embarrassent beaucoup les jansénistes ; ils s’étaient d’abord flattés d’en tirer parti, mais l’impulsion qu’ils avaient donnée à la superstition et au délire a été plus violente qu’ils ne le voulaient, et la chance a mal tourné pour eux. Jamais ils ne répondront à cet argument si simple : Où sont nées les convulsions, là sont nés les miracles dont vous vous êtes tant glorifiés ; les uns et les autres viennent donc de la même source ; or, de l’aveu