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DE L’ENCYCLOPÉDIE.

esprits, en sorte qu’après avoir formé l’arbre des sciences, ou pourrait former sur le même plan celui des gens de lettres. La mémoire est le talent des premiers, la sagacité appartient aux seconds, et les derniers ont l’agrément en partage. Ainsi, en regardant la mémoire comme un commencement de réflexion, et en y joignant la réflexion qui combine, et celle qui imite, on pourrait dire en général que le nombre plus ou moins grand d’idées réfléchies, et la nature de ces idées, constituent la différence plus ou moins grande qu’il y a entre les hommes ; que la réflexion, prise dans le sens le plus étendu qu’on puisse lui donner, forme le caractère de l’esprit, et qu’elle en distingue les différens genres. Du reste, les trois espèces de républiques dans lesquelles nous venons de distribuer les gens de lettres, n’ont pour l’ordinaire rien de commun, que de faire assez peu. de cas les unes des autres. Le poète et le philosophe se traitent mutuellement d’insensés, qui se repaissent de chimères : l’un et l’autre regardent l’érudit comme une espèce d’avare qui ne pense qu’à amasser sans jouir, et qui entasse sans choix les métaux les plus vils avec les plus précieux ; et l’érudit, qui ne voit que des mots partout où il ne lit point des faits, méprise le poëte et le philosophe comme des gens qui se croient riches parce que leur dépense excède leui^ fonds.

C’est ainsi qu’on se venge des avantages qu’on n’a pas. Les gens de lettres entendraient mieux leurs intérêts, si au lieu de chercher à s’isoler, ils reconnaissaient le besoin réciproque qu’ils ont de leurs travaux et les secours qu’ils en tirent. La société doit sans doute aux beaux espi its ses principaux agrémens et ses lumières aux philosophes ; mais ni les uns ni les autres ne sentent combien ils sont redevables à la mémoire ; elle renferme la matière première de toutes nos connaissances ; et les travaux de l’érudit ont souvent fourni au philosophe et au poète les sujets sur lesquels ils s’exercent. Lorsque les anciens ont appelé les Muses Filles de Mémoire, a dit un auteur moderne, ils sentaient peut-être combien cette faculté de notre âme est nécessaire à toutes les autres ; et les Romains lui élevaient des temples, comme à la Fortune.

Il nous reste à montrer comment nous avons tâché de concilier dans notre dictionnaire l’ordre encyclopédique avec l’ordre alphabétique. Nous avons employé pour cela trois moyens : le système figuré qui est à la tête de l’ouvrage ; la science à laquelle chaque article se rapporte, et la manière dont l’article est traité. On a placé pour l’ordinaire, après le mot qui fait le sujet de l’article, le nom de la science dont cet article faif ; partie ; il ne faut plus que voir dans le système figuré quel