Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, I.djvu/88

Cette page n’a pas encore été corrigée
50
DISCOURS PRÉLIMINAIRE

telles que l’impénétrabilité, la mobilité et l’étendue, c’est encore par l’étude de ces propriétés que la science de la nature doit commencer : elles ont, pour ainsi dire, un côté purement intellectuel par lequel elles ouvrent un champ immense aux spéculations de l’esprit, et un côté matériel et sensible par lequel on peut les mesurer. La spéculation intellectuelle appartient à la physique générale, qui n’est proprement que la métaphysique des corps ; et la mesure est l’objet des mathématiques, dont les divisions s’étendent presque à l’infini.

Ces deux sciences conduisent à la physique particulière, qui étudie les corps en eux-mêmes, et qui n’a que les individus pour objet. Parmi les corps dont il nous importe de connaître les propriétés, le nôtre doit tenir le premier rang, et il est immédiatement suivi de ceux dont la connaissance est le plus nécessaire à notre conservation ; d’où résultent l’anatomie, l’agriculture, la médecine et leurs différentes branches. Enfin tous les corps naturels soumis à notre examen produisent les autres parties innombrables de la physique raisonnée.

La peinture, la sculpture, l’architecture, la poésie, la musique, et leurs différentes divisions, composent la troisième distribution générale qui naît de l’imagination, et dont les parties sont comprises sous le nom de beaux arts. On pourrait aussi les renfermer sous le titre général de peinture, puisque tous les beaux arts se réduisent à peindre, et ne diffèrent que par les moyens qu’ils emploient ; enfin on pourrait les rapporter tous à la poésie, en prenant ce mot dans sa signification naturelle, qui n’est autre chose qu’invention ou création.

Telles sont les principales parties de notre arbre encyclopédique ; on les trouvera plus en détail à la fin de ce discours préliminaire. Nous en avons formé une espèce de carte à laquelle nous avons joint une explication plus étendue que celle qui vient d’être donnée. Cette carte et cette explication ont été déjà publiées dans le prospectus comme pour pressentir le goût du public ; nous y avons fait quelques changemens dont il sera facile de s’apercevoir, et qui sont le fruit ou de nos réflexions, ou des conseils de quelques philosophes assez bons citoyens pour prendre intérêt à notre ouvrage. Si le public éclairé donne son approbation à ces changemens, elle sera la récompense de notre docilité ; et s’il ne les approuve pas, nous n’en serons que pîus convaincus de l’impossibilité de former un arbre encyclopédique qui soit au gré de tout le monde.

La division générale de nos connaissances, suivant nos trois facultés, a cet avantage, qu’elle pourrait fournir aussi les trois divisions du monde littéraire, en érudits, philosophes et beaux