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celles de l’existence de Dieu, plus il doit en tirer de lumières, plus il doit être en état de rendre à la Divinité ce culte raisonnable qui seul peut vraiment l’honorer, et qui est un de ses premiers préceptes. Par conséquent la meilleure manière d’établir qu’il ne peut y avoir des athées de bonne foi, est de prouver avec la plus grande évidence la vérité qu’ils combattent. N’imitons pas un écrivain moderne, qui commence par soutenir qu’il n’y a point d’incrédules, et qui finit par les réfuter. D’ailleurs, qu’importe à une vérité incontestable les motifs de ceux qui la nient ? Que fait-on pour la persuader en refusant à ses adversaires la probité et la bonne foi ? C’est imiter le maître d’école de la fable, qui dit des injures à l’enfant qui se noie, et lui fait une harangue avant de le sauver. Peut-on se dissimuler enfin que plusieurs philosophes, tant anciens que modernes, accusés d’athéisme ou de septicisme, ont eu, du moins en apparence, une conduite irréprochable, et se sont montrés aussi réglés dans leurs mœurs, qu’aveugles et inconséquens dans leurs opinions ? Frappe, mais écoute, disait Thémistocle à Euribiade ; on pourrait dire à quelques uns des prétendus vengeurs de la religion : frappe, mais raisonne. Malheureusement il est à croire qu’on leur répétera long-temps sans fruit cet avis si salutaire et si sage. L’excès en toutes choses est l’élément de l’homme, sa nature est de se passionner sur tous les objets dont il s’occupe ; la modération est pour lui un état forcé, ce n’est jamais que par contrainte ou par réflexion qu’il s’y soumet ; et quand le respect qui est dû à la cause qu’il défend peut servir de prétexte à son animosité, il s’y abandonne sans retenue et sans remords. Le faux zèle aurait-il oublié que l’Évangile a deux préceptes également indispensables, l’amour de Dieu et celui du prochain ? et croit-il mieux pratiquer le premier en violant le second.

XXV . Ce ne sont pas seulement les injures qui peuvent nuire à la défense du christianisme, c’est encore la nature des accusations et des accusés. Plus on serait coupable de prêcher l’irréligion, plus il est criminel d’en accuser ceux qui ne la prêchent pas en effet. En cette matière plus qu’en aucune autre, c’est sur ce qu’on a écrit qu’on doit être jugé, et non sur ce qu’on est soupçonné mal à propos de penser ou d’avoir voulu dire. La foi est un don de Dieu, qu’il ne dépend pas de nous seuls de nous procurer ; et tout ce que la société ordonne est de respecter ce don précieux dans ceux qui ont le bonheur d’en jouir. C’est aux hommes à prononcer sur les discours, et à Dieu seul à juger les cœurs. Ainsi l’accusation d’irréligion, surtout quand on