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connaître la vérité ? Tout ce qu’on a écrit de profond et de vrai dans ces derniers temps sur les préjugés, sur la crédulité des hommes, sur les fausses prophéties, sur les faux miracles, tout cela peut-il avoir quelque application aux argumens invincibles sur lesquels la vraie religion est appuyée ?

XXI. Les Pères de l’Église, ces premiers défenseurs du christianisme, ne se défiaient pas ainsi de la bonté de leur cause, ils ne craignaient pour elle, ni les objections, ni le grand jour ; ils ignoraient les fausses attaques et les précautions pusillanimes. Plusieurs écrivains de nos jours, dignes de marcher après eux dans une si noble carrière, ont imité leur exemple ; mais si la cause respectable de l’Évangile a ses Pascal et ses Bossuet, elle a aussi ses Chaumeix et ses Garasses.

XXII. L’abus de la critique en matière de religion est funeste à la religion même par plusieurs raisons ; par la maladresse et l’ineptie avec laquelle la bonne cause est quelquefois défendue ; par les conséquences que la multitude peut tirer de l’accusation vague d’irréligion intentée aux philosophes ; par les motifs qui portent de prétendus gens de bien à déclarer la guerre à la raison ; enfin par le peu d’union et l’animosité réciproque de ses adversaires, Chacun de ces objets mérite un article à part, et nous occupera quelques momens.

XXIII. L’Encyclopédie nous fournira le sujet du premier article. Au -mot forme substantielle, on a rapporté, comme on le devait, le grand argument des Cartésiens contre l’âme des bêtes, tiré de ce principe de S. Augustin que sous un Dieu juste, aucune créature ne peut souffrir sans l’avoir mérité ; argument très-connu dans les écoles, que le P. Mallebranche a fait valoir avec beaucoup de force, qu’enfin les philosophes et les théologiens éclairés ont toujours regardé comme très-difficile à résoudre. En exposant dans l’Encyclopédie cet argument, on a en même temps remarqué que c’était tout au plus une objection qui ne devait d’ailleurs porter aucune atteinte aux preuves de la spiritualité de l’âme, de son immortalité, de la justice et de la Providence divine. Qu’a fait un des antagonistes de l’Encyclopédie ? Il a prétendu qu’on avait eu pour unique dessein dans cet article de tourner le principe de S. Augustin en ridicule ; et pour le prouver, il a conclu de ce principe que S. Augustin regardait les bêtes comme des automates ; opinion dont ce saint docteur était bien éloigné et dont il faut uniquement faire honneur à son prétendu apologiste. Ainsi ce n’est pas l’Encyclopédie,