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RÉFLEXIONS SUR L’INOCULATION.

n’a pratiqué l’inoculation qu’au mois d’août. On ajoute que depuis que l’inoculation est reléguée dans les faubourgs de Paris par arrêt du parlement, la petite vérole n’est pas plus fréquente qu’autrefois dans ces faubourgs ; et qu’elle ne l’est pas non plus devenue davantage à Londres, où l’on inocule beaucoup plus qu’à Paris. Quoiqu’il y ait à l’Hôtel-Dieu des petites véroles en tout temj)S, cette maladie, à ce qu’on prétend, n’est pas plus commune dans le quartier de l’Hôtel-Dieu que dans le reste de la ville, et n’y dure pas toute l’année ; la contagion même ne se répand pas dans l’intérieur de cet hôpital, quoique, pour toute précaution, on se contente de mettre les malades dans une salle haute. Nos auteurs observent à ce sujet combien il est contradictoire de craindre si fort la prétendue contagion que l’inoculation peut causer, tandis qu’on se met si peu à l’abri contre celle de la petite vérole naturelle. Cependant, pour calmer jusqu’aux moindres scrupules, ces médecins croient qu’il serait facile de prévenir par de bons réglemens jusqu’à l’ombre même des abus ; mais ils paraissent persuadés que proscrire l’inoculation par arrêt, ce serait condamner à la mort tous ceux que cette opération aurait empêchés de succomber à la petite vérole naturelle. Ils ne nous disent pas si les réglemens qu’ib proposent de faire par rapport à l’inoculation, doivent ou peuvent être tels, qu’ils privent les citoyens peu aisés de tenter cette opération sur eux ou sur leurs enfans, et par conséquent des avantages qu’elle pourrait leur procurer.

VIII. Il ne faut pas oublier, selon nos auteurs, parmi les avantages de l’inoculation, ce que rapporte le docteur Maty, qu’en Angleterre, dans les temples, dans les promenades, aux spectacles, on commence à s’apercevoir de ce qu’on doit à cette pratique pour la conservation de la beauté.

IX. De tous ces faits réunis, les auteurs du mémoire concluent, que l’inoculation doit sauver la vie à une quantité prodigieuse de citoyens ; quelle empêchera que beaucoup d’autres ne soient défigurés ou mutilés ; qu’ainsi elle est utile à la société en général, et par conséquent, ajoutent-ils, à chaque citoyen en particulier : nous renvoyons, pour apprécier la justesse de cette conséquence, aux deux premières parties de notre écrit sur l’inoculation. Nos médecins pensent donc que l’inoculation doit être au moins tolérée ; expression qui pourra, disent-ils, paraître mitigée jusqu’à l’excès, mais qu’ils n’emploient aussi que par excès de précaution, et pour se réserver le droit de proscrire l’inoculation ouvertement, si l’expérience y faisait découvrir dans la suite des iuconvéniens jusqu’à présent inconnus.