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RÉFLEXIONS

pour la proscrire ? Ils s’inscrivent en faux à cette occasion contre ce qui est rapporté dans le mémoire de leurs adversaires, que les plus habiles inoculateurs de Londres, lorsqu’ils voient leurs inoculés aller mal, les abandonnent au médecin, pour ne pas mettre la mort sur le compte de l’inoculation, et par conséquent pour en décharger leur liste ; on nous assure que cette supercherie n’a été pratiquée en Angleterre que par des chirurgiens téméraires et ignorans. Nos inoculistes pensent que le nombre de ceux qui meurent de la petite vérole artificielle peut être tout au plus de i sur 4 à 5000 ; et ils ajoutent même, nous ignorons sur quel fondement, que ceux qui succombent à cette maladie seraient morts de la petite vérole naturelle. Ils paraissent d’ailleurs assez peu sensibles à la perte que l’inoculation pourrait occasioner à la société, si on la pratiquait constamment sur les enfans à la mamelle, perte qu’ils regardent comme très-légère. On peut voir les raisons qu’ils en apportent, et que nous abandonnons au jugement des lecteurs. Quoi qu’il en soit, pour éviter toute chicane, ils fixent le rapport des morts de l’inoculation à 1 sur 300. Mais ils croient que le danger serait bien plus considérable, si on inoculait sans préparation ; et ils prétendent que dans le Levant le nombre des morts est de i sur 25 ; ce qui s’accorde bien peu avec ce que d’autres inoculateurs ont avancé. Ce fait, vrai ou non, est attesté à nos auteurs par un de leurs confrères, d’après le témoignage de plusieurs négocians, qui, pendant leur séjour à Constantinople, ont fait, dit-on, des recherches à ce sujet.

ni. Quoique les médecins opposés à l’inoculation prétendent, dans leur mémoire imprimé, qu’il y a au moins un sixième des hommes qui n’est point sujet à la petite vérole naturelle, les médecins favorables à l’inoculation ne se rendent pas aux preuves sur lesquelles leurs adversaires fondent ce calcul. Cependant ils augmentent eux-mêmes ce nombre bien davantage ; car ils accordent qu’il y a un tiers du genre humain exempt de cette maladie. Sans discuter ces différentes assertions, nous en conclurons seulement qu’il n’est pas à beaucoup près certain, comme d’autres inoculistes l’ont avancé, que presque tous les hommes, à l’exception de i sur 7.1 tout au plus, sont sujets à la petite vérole naturelle.

IV. Nos auteurs avancent, du moins si nous les avons bien compris, que la mortalité générale de la petite vérole à Paris est de 1 sur 5 ; ce qui est bien plus fort que le rapport de 1 à 7, donné pour Londres par M. Jurin ; cependant, afin de ne rien forcer, ils ne mettent la mortalité qu’à 1 sur 10. Mais ils remarquent que la mortalité de la petite vérole, soit naturelle,