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SUR L’INOCULATION.

dangereuse, suivant l’âge, le climat, la saison, le tempérament, la force, ou la faiblesse des sujets[1] ?

Combien enfin ne serait-il pas à souhaiter que le gouvernement ordonnât de marquer dans les registres mortuaires, autant qu’il serait possible, l’âge auquel chaque citoyen est mort, le genre de maladie dont il a péri, s’il a eu la petite vérole naturelle ou artificielle, et à quel âge il l’a eue, enfin jusqu’au lieu même de sa naissance î Cette dernière attention peut d’abord paraître superflue ; mais elle pourrait devenir de la plus grande utilité, pour former au bout de plusieurs années des registres de mortalité parfaitement exacts ; surtout si le gouvernement ordonnait, en même temps, que lorsqu’un citoyen mourrait dans un lieuoiiil n’est pas né, on envoyât la note de sa mort au lieu de sa naissance.

Quel pays est plus à portée que le nôtre de se procurer toutes ces lumières, par la facilité avec laquelle le souverain y peut être obéi, par le zèle et l’activité de la nation, et par tant de sages réglemens qui ne demandent qu’à être exécutés ? Faudra-t-il donc que sur l’inoculation, comme sur tant d’autres objets, la France en soit réduite à tout apprendre de ses voisins, lorsqu’elle aurait tant de facilités pour les éclairer et les instruire ?

CONCLUSION.

Jusqu’à ce que des souhaits si naturels s’accomplissent, voici ce qu’on peut conclure des réflexions précédentes.

1o. Il y a lieu de croire qu’on ne meurt jamais de l’inoculation, quand elle est sagement administrée, et après un examen convenable.

2o. Il est extrêmement rare, pour n’en pas dire davantage, qu’un inoculé sur qui l’opération a réussi, ait repris la petite vérole.

3o. S’il n’est pas démontré en rigueur que l’inoculation augmente la vie moyenne des hommes, il est encore moins prouvé qu’elle la diminue ; il est même vraisemblable qu’elle doit l’augmenter, puisqu’elle délivre, ou absolument, ou presque absolument, d’une cause de mort, sans qu’il soit prouvé qu’elle en substitue d’autres à la place.

Il faut donc bien se garder, ce me semble, d’arrêter ou de

  1. Ce serait, par exemple, un fait très-singulier à constater que de savoir s’il est vrai, comme le prétendait un médecin célèbre, mort depuis quelques années, que tous ceux qui sont attaqués de la petite vérole, et qui ont en même temps le mal vénérien, ne succombent point à la première de ces deux maladies. Voyez les questions proposées aux académiciens danois, par M. Michaelis. Francfort, 1763, p. 256.